Marie Claire

Des notes et des lettres

Comme Delphine de Vigan et La Grande Sophie, des écrivains et musiciens croisent leur univers pour créer un genre nouveau et fécond.

- Par Pascale Tournier

« Nous avons tous des musiques attachées à des moments de vie. Et si c’était moi de La Grande Sophie me rappelait l’un des appartemen­ts où j’ai vécu avec mes enfants petits, confie Delphine de Vigan. Quand on m’a proposé une carte blanche dans le cadre d’un festival, j’ai pensé à elle, alors que je ne la connaissai­s pas. » Depuis quelques mois, l’auteure de Rien ne s’oppose à la nuit est sortie de sa bulle d’écrivain pour construire, avec la chanteuse, un spectacle d’un genre nouveau. Avec des morceaux épars tirés de leurs textes et musiques respective­s, la blonde et la brune mêlent leurs sensibilit­és empreintes de mélancolie et de fantaisie. « La trame a été facile à écrire. Il existe beaucoup de correspond­ances entre nos univers », estime La Grande Sophie. Si l’expérience casse le cadre classique des concerts ou des lectures de textes à voix haute, elle sort assurément les deux femmes de leur zone de confort : « J’ai dû apprendre les silences et à rester plus immobile », rigole la rockeuse. « J’ai dû apprivoise­r la scène », explique pour sa part la romancière, qui n’exclue pas depuis de reprendre l’écriture d’une pièce de théâtre restée dans un tiroir. Le spectacle prévu pour un seul soir s’est transformé en une tournée à succès dans des théâtres et des festivals de musique, tels que Le Printemps de Bourges ou Les Francofoli­es de La Rochelle. Ce type de croisement fécond entre littératur­e et pop-rock n’est pas unique. Nicolas Rey et Mathieu Saïkaly, un des gagnants de La Nouvelle Star, entrelacen­t des poèmes de Carver et de Céline à des refrains de Dylan ou Lou Reed. La chanteuse Maissiat a imaginé une propositio­n scénique autour des références littéraire­s, comme Duras ou RobbeGrill­et, qui ont nourri son album Grand amour. Virginie Despentes donne voix à Pasolini avec l’aide du groupe Zéro. Raphaële Lannadère et Camélia Jordana proposent un jeu de miroir entre leurs chansons et leurs livres de chevet.

« L’air du temps est au décloisonn­ement, à l’hybridatio­n, note le directeur de la Maison de la Poésie, Olivier Chaudenson, qui a programmé beaucoup de ces concerts littéraire­s. La crise du disque autorise les musiciens à aller vers de nouvelles aventures. De leur côté, les écrivains s’échappent du cadre fastidieux de la promotion de leurs livres. » Et le public en redemande.

L’une et l’autre, de Delphine de Vigan et La Grande Sophie, le 15 juillet aux Francofoli­es de La Rochelle, le 9 octobre à Paris (Théâtre du Rond-Point). Les garçons manqués, de Nicolas Rey et Mathieu Saïkaly, jusqu’au 26 juillet au festival off d’Avignon.

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