Le risque d’être femme, 2*

S’envelopper de douceur dans des doudounes comme des cocons, avec des baumes au corps, les Souvenirs dormants de Modiano, la poésie de Ramesh Nair (directeur artistique de Moynat), qui n’a jamais vu la neige enfant, une lingerie blanche, beige et brune à fleur de peau. C’est l’esprit premier de ce numéro d’hiver, comme une sensation, mais la foudre est venue l’entraver.

Ce soir, dimanche, je dois écrire mon édito, et les révélations sur les agissements présumés de Harvey Weinstein tombent, se déversent, se répandent, la parole se libère et nous avons toutes envie de témoigner. Anna, qui ne lâche plus jamais ses longs cheveux blonds dans le métro, trop risqué. Ma fille de 11 ans qui écoute sa playlist dans un train de banlieue, un homme en face d’elle allonge sa jambe entre les siennes, comme un sexe, début d’un jeu pervers que je stoppe net. Sandrine, dont le kinésithérapeute lui demande de mimer des mouvements de bassin explicites – « Il faut que vous fassiez cela lorsque vous serez seule sinon… » – et lui dégrafe son soutien-gorge qu’il jette en l’air. Corine, qui rentre du travail la nuit, un homme s’immisce dans son immeuble : « Je vais te violer, tu vas avoir beaucoup de plaisir car je sais donner du plaisir aux femmes. »

Quelques témoignages furieux et calmes, de Marie Claire. Etre femme, en cette fin 2017, continue d’être un risque quotidien. Préférer ne pas porter de minijupe ou de T-shirt trop moulant, avoir peur dans la rue la nuit (et aussi le jour), être regardée comme de la chair, des seins et un sexe, être touchée, raptée, agressée, violée, réduite à un objet : ça suffit !

La vague Weinstein sera peut-être retombée lorsque vous lirez cet édito, ayant entraîné aussi, nous l’escomptons, de nouvelles vagues de révélations, pour sonner la fin des silences et des solitudes. Espérons que ce bruit, tous les témoignages des femmes – et des hommes, qui doivent aussi parler – fissurent au moins le règne masculin des porcs. Avant de pouvoir l’énoncer, le dénoncer, le porter devant la justice. La tête la plus haute possible, car ce n’est pas facile.

— Marianne Mairesse, directrice de la rédaction (*) « Le risque d’être femme », édito de n° 768, août 2016.