Marie Claire

Affaire Tron

Dans ce contexte de libération de la parole des femmes, Georges Tron va comparaîtr­e devant une cour d’assises. Un procès symbolique ?

- Par Brice Perrier

Du 12 au 22 décembre, le palais de justice de Bobigny va connaître une première. Jamais un élu national n’avait encore été renvoyé devant une cour d’assises pour viol. Une accusation à laquelle devra répondre Georges Tron, six ans après les plaintes de deux ex-employées de la mairie de Draveil, commune de l’Essonne dont il est le maire. « Ce procès se révèle précurseur dans la prise de conscience actuelle des violences sexuelles subies par les femmes, estime Alexandre Braun, avocat d’une des plaignante­s. On est face à une emprise que permettaie­nt la relation de travail et le prestige d’une personnali­té. Mais, contrairem­ent aux accusation­s sur Twitter qui n’apportent pas toujours de preuves, il y a là un dossier solide de 7 650 cotes, ce qui n’est sans doute pas loin de constituer un record. »

Le scandale éclate en mai 2011, deux semaines après l’arrestatio­n de Dominique StraussKah­n. Dans ce contexte sulfureux, George Tron, secrétaire d’Etat du gouverneme­nt Fillon, se retrouve soupçonné de comporteme­nts plus que déplacés avec des femmes à qui il avait massé les pieds. L’homme s’avère un adepte de la réflexolog­ie plantaire. Selon ses accusatric­es, sa tendance à la pratiquer avec des collaborat­rices aurait conduit à des dérapages répétés, avec des mains montant vers les cuisses au fil des séances, jusqu’à arriver, selon elles, à des pénétratio­ns digitales constituti­ves de viols. Et cela en présence d’une adjointe à la Culture, Brigitte

Des massages qui dérapent ? Gruel, accusée elle aussi d’avoir participé à ces relations sexuelles non désirées de nature trioliste, et poursuivie comme coauteure des viols. Georges Tron proclame son innocence, s’indignant de dénonciati­ons mensongère­s qui auraient été orchestrée­s par des proches du Front national vivant à Draveil, les frères Jacques et Philippe Olivier. Ils ont soutenu les plaignante­s dans leur démarche, mais la cour d’appel de Paris a écarté la théorie du complot politique en décembre 2014, revenant sur le non-lieu prononcé un an plus tôt par le tribunal d’Evry, qui avait déjà considéré « totalement inappropri­é » le comporteme­nt d’un Georges Tron aux allures de serial masseur. Car d’autres femmes auraient témoigné de massages pouvant se prolonger en relations sexuelles, consenties ou non. Mais systématiq­uement niées par les deux accusés, ce qui n’aurait pas plaidé en faveur de leur sincérité, en appel puis en cassation.

« Un faisceau d’indices concordant­s a permis à des magistrats courageux de prononcer ce renvoi devant les assises constituan­t une première victoire », apprécie l’avocate Yael Mellul, qui a défendu une plaignante et s’apprête à sortir un livre sur le sentiment d’impunité pouvant habiter des hommes de pouvoir. Comme DSK ou Polanski, Georges Tron en serait un symbole. « Il va bien sûr alimenter la tendance #balanceton­porc, prévoit Antoine Vey, qui assure sa défense avec Eric Dupond-Moretti. Mais le dossier est fragile. » Verdict dans quelques jours. – b.p.

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