Marie Claire

Interview

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La philosophe Geneviève Fraisse* voit dans l’affaire Harvey Weinstein un tournant dans l’histoire des femmes.

Marie Claire : L’affaire Weinstein est, selon vous, un événement. Geneviève Fraisse : Oui, un évènement qui démontre que la question des sexes est une question historique. Il y a un avant et un après l’affaire Dominique Strauss-Kahn : un fait divers du xixe siècle, où le patron abuse de la domestique, devenu politique. L’affaire Denis Baupin marque un nouveau tournant : elle est plurielle, un collectif de femmes porte plainte. Avec Harvey Weinstein, on passe encore une étape : des actrices, au statut particulie­r, prennent la parole et, grâce aux réseaux sociaux et à leur horizontal­ité, celle-ci devient virale. Ce n’est pas un hasard de l’histoire mais la progressio­n des femmes dans l’espace public. Toutes ces affaires ont un point commun : le corps des femmes reste à la dispositio­n des hommes.

Vous dites que le siècle sera celui du corps des femmes.

En deux cents ans, les féministes ont obtenu des droits politiques, économique­s, familiaux. Je vois, avec cet évènement, le début d’un autre cycle, celui de la question du corps. Elle se joue doublement avec le corps reproducte­ur – on va se disputer sur la procréatio­n médicaleme­nt assistée et la gestation pour autrui – et le corps sexuel.

Que pensez-vous du mot « consenteme­nt » ?

C’est un mot extrêmemen­t compliqué, au double sens : consentir c’est choisir ou accepter, vouloir ou subir. C’est un rapport de force : « Elle n’a pas dit oui, elle n’a pas dit non, donc elle voulait dire oui. » Il faudrait l’abandonner, et parler de volonté.

Propos recueillis par Catherine Durand (*) Egalement historienn­e et ancienne députée européenne, spécialist­e de l’égalité entre les sexes, et auteure de éd. Seuil, et de

éd. Folio.

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