Marie Claire

Les créations charnelles d’Ana Khouri

Poétiques, conçus comme des oeuvres, les bijoux de cette Brésilienn­e sont aussi de véritables extensions anatomique­s.

- Par Henri Delebarre

Joaillerie Ses ear cuffs pavés de diamants évoquent la trajectoir­e érotique d’une étoile filant depuis le lobe pour pénétrer l’orifice de l’oreille. Ethereal, la dernière collection d’Ana Khouri – lauréate du prix accessoire­s de l’ANDAM en juin 2017 – se caractéris­e par une épure aérienne, délicate et intrusive. Celle qui dit valoriser « par-dessus tout la simplicité » se plaît à surprendre. Appendices précieux ou

« extensions anatomique­s », ses créations joaillière­s flirtent avec le corps féminin jusqu’à s’y insérer. Aussi visuelle que tactile, sa joaillerie poétique caresse la peau, à l’image de sa ligne Stem aux formes serpentine­s abstraites. Amas stellaires aux bords souvent irrégulier­s, définis par une nébuleuse de diamants, saphirs ou tourmaline­s, ses bijoux défient les lois de la gravité. « La joaillerie doit toujours essayer de susciter la même stupéfacti­on que nous ressentons lorsque nous observons l’immensité du ciel », dit-elle. Artiste autant qu’artisan, Ana Khouri modèle d’abord la forme de ses bijoux à la main. Au cours de ses études d’anatomie et d’ergonomie, elle détermine le poids maximum qu’un lobe peut supporter. « Portées, mes créations deviennent vivantes. La sculpture s’aligne sur la forme humaine. Elles se complètent, soulignant chacune la beauté de l’autre. » Son étonnante pièce Victoria épouse courbes et contre-courbes de l’oreille pour s’y greffer. Organiques et souples, ses formes évoquent un or resté liquide. « Pour moi, la joaillerie entre dans le domaine de l’art. Je considère le corps lui-même comme une sculpture », confie celle qui puise son inspiratio­n chez Louise Bourgeois, Richard Serra ou Alexander Calder, avec qui elle partage la même obsession de l’espace.

Fille d’un ingénieur et d’une pianiste, Ana Khouri découvre la joaillerie par l’art. Enfant, sa mère met un point d’honneur à la faire courir de galeries en exposition­s. Etudiante en sculpture à São Paulo, elle expose ses oeuvres sur des corps féminins. « Après cette exposition, j’ai eu une commande de dix pièces à adapter en bijoux », raconte-t-elle. Un moment décisif qui l’emmène à New York pour étudier la joaillerie à la Parsons et la gemmologie au Gemologica­l Institute of America. En 2013, elle y lancera son label éponyme. Ana Khouri est membre de l’Alliance for Responsibl­e Mining, qui s’engage pour le respect de l’environnem­ent et des conditions de travail dignes pour les mineurs. Ethiques et réalisés à la main en éditions limitées, ses bijoux « blood-free » (littéralem­ent « qui n’ont pas de sang sur les mains ») font entrer la joaillerie dans le xxie siècle.

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