Marie Claire

Laura Do et Bastien Laurent d’Avoc

Elle a grandi au Gabon, lui, à Aulnaysous-Bois. Ils se sont rencontrés à Amsterdam en 2012, et elle lui a appris à coudre. Ils ont lancé Avoc, lauréat de l’Andam du Label créatif.

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Interview Avoc est un hommage à Havoc, du groupe de rap Mobb Deep, et signifie Architectu­re Vestimenta­ire et Ornement Corporel. Pourquoi ces mots sont-ils importants pour vous ? Laura : J’ai toujours eu une esthétique précise, architectu­rale, et mon oeil s’est aiguisé chez Attilalou avec Mathias Kiss, où j’ai fait de la peinture en décor, de la dorure. Ce qui m’emmène dans l’imaginatio­n et le design, c’est, par exemple, La montagne sacrée de Jodorowsky ou Oscar Niemeyer. La première fois que je suis allée au siège du PCF, j’ai cru être sous LSD. Je ne sais pas si ça a à voir avec l’idée du vêtement architectu­ré, mais à l’école française au Gabon, puis au collège en France, j’étais en uniforme. Que du bleu marine, la petite chemise, pas de pull de couleur, il y avait déjà cette rigueur. Bastien : Quand tu affiches le mot « ornement », tu dis une ambition de créer un beau, versus une grosse tendance de fond qui consiste à utiliser des trucs pas beaux et dire que c’est cool.

Vous avez fait un clip dans une banlieue pavillonna­ire, fait défiler un masque de Trump, la collection printemps-été 2018 parle de la vie de bureau. Vous inscrivez le corps dans un espace public et politique…

Laura et Bastien : On part du vêtement comme identifian­t social, culturel, puis on essaie de le dénuer de son sens pour lui en redonner un autre. Une rayure banquier, comment tu la mets dans la rue ? Quand tu fais du streetwear et que tu décides de ne pas faire de T-shirt pendant cinq saisons et de faire des vestes tailleurs, tu es dans une démarche politique. A savoir : je préfère crever que de vous donner ce que vous attendez. Quand Kanye West se met à chanter au lieu de rapper sur tout un album, c’est le même principe.

Vous avez un regard sur l’époque, Bastien a fait Sciences-po, quelles évolutions sociétales porte Avoc ?

Laura et Bastien : Ce qui nous intéresse, c’est de développer un langage visuel qui dépasse l’esthétique du genre, amener de la féminité sur des pièces masculines, supprimer toute sexualité sur d’autres. Ce n’est pas nier le genre. On fait des robes et des pièces pour mecs. Par ailleurs, notre matière première n’est pas mono-classe, pas parisienne. Avoc veut donner une couleur à un Paris plus grand que ses vingt arrondisse­ments. On est le Grand Paris.

Vous avez le goût des empiècemen­ts, de la modularité… Laura : Un empiècemen­t sert à enrichir une pièce, or cette veste, par exemple, complexe avec toutes ses pièces, peut devenir hyper-simple sans. Les empiècemen­ts brouillent les pistes, trashent le propre.

Vous changez souvent de logo… Bastien : Je ne crois pas au logo. Ton nom peut prendre mille formes. Aujourd’hui, un mec qui monte un restaurant de risotto, le premier truc qu’il fait, c’est un logo. « T’es rien si t’as pas de logo », non, sois d’abord quelque chose. Ce truc me rend fou.

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