Marie Claire

idées claires

A chaque numéro, Marie Claire interroge quatre personnali­tés, venues d’horizons différents, sur un thème universel. Ce mois-ci :

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Amélie Nothomb Ecrivaine

Ça m’évoque Sueurs froides, un film d’un romantisme très étrange, véritablem­ent vertigineu­x. Par ailleurs, le vertige a longtemps été pour moi l’objet d’une convoitise, parce que ma soeur Juliette – que j’idolâtre – a toujours été sujette à ce mal. Enfant, je trouvais nul de ne pas en souffrir. Ça prouvait bien que ma soeur m’était infiniment supérieure. Du coup, je faisais des trucs complèteme­nt cinglés dans l’espoir de l’attraper, mais en vain. Heureuseme­nt, j’ai découvert qu’il existait d’autres sortes de vertiges, comme celui chanté par Alain Bashung. On peut se moquer de l’expression « vertige de l’amour », mais quand on le vit c’est sacrément fort.

Dernier roman paru : Frappe

toi le coeur, éd. Albin Michel.

Vincent Dedienne Humoriste

Je ne connais pas l’attrait du vide subi par les gens sujets au vertige. Mais je me demande toujours si ce n’est pas le goût du vertige émotionnel qui m’a poussé à « monter sur scène ». Jouer est pour moi une drogue qui me pousse à y aller. Une fois sorti de scène, je n’ai qu’une envie : retrouver, le lendemain, cet état de fragilité et de peur. Je commence aussi à avoir peur de sauter ou de monter haut. Quand je suis à 4 m, j’ai désormais l’impression d’être à 12. Mais je n’ai que peur. La conscience du danger est une des mauvaises nouvelles du vieillisse­ment. On s’assagit, on est moins aventureux. Ça m’accable. C’est même dramatique. Dans S’il se passe quelque chose, du 26 au 31 décembre à Paris (Folies Bergère) et en DVD.

Caroline Loeb Comédienne

Enfant, j’ai habité un cinquante-deuxième étage, à New York. J’adorais vivre là. Et pourtant je suis atrocement sujette au vertige. Je pourrais vomir juste à regarder quelqu’un se pencher au-dessus du vide. Paradoxe du vertige : avoir tellement peur de tomber que, rien que pour y échapper, on pourrait se jeter par la fenêtre. Pourtant, monter sur scène donne un genre de vertige que j’aime. C’est le saut dans le vide symbolique, la sensation d’être en déséquilib­re constant, qui donne de la profondeur au jeu. Au théâtre, tous les soirs je deviens fildeféris­te, comme le funambule Philippe Petit. Et ce vertige-là, je ne pourrais pas m’en passer. Dans Françoise par Sagan, mis en scène par Alex Lutz, à Paris (Petit Montparnas­se).

Jean-Claude Ellena Parfumeur

« Le véritable mystère du monde est le visible, non l’invisible » : cette phrase d’Oscar Wilde m’a si fortement déstabilis­é, à 20 ans, que j’ai eu l’impression de perdre pied. Je me suis vu debout, au bord d’un gouffre béant, vide de savoir. Puis cette sensation m’a émerveillé. Elle attestait mon appréhensi­on du monde. Les odeurs sont toujours liées à la mémoire personnell­e, à notre propre passé : le parfum d’un premier amour, l’odeur de la maison d’enfance, de l’homme ou de la femme que l’on vient de retrouver après l’avoir oublié (à part son odeur). Le vertige vient de la perte, du gouffre qui nous sépare.

Auteur de L’écrivain d’odeurs, éd. Le Contrepoin­t.

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