Marie Claire

Film noir, impair et passe

Autodidact­e, la réalisatri­ce Marie Monge signe un premier long-métrage fiévreux sur l’addiction au jeu. Un thriller tendu qui lui permet de faire mentir les idées reçues sur un genre prétendume­nt masculin.

- Par Emily Barnett Joueurs de Marie Monge, avec Stacy Martin, Tahar Rahim, sortie le 4 juillet.

C’est une jeune femme châtain à l’air sage et posé. Mais en apparence seulement : à 30 ans, Marie Monge s’est fait remarquer, au dernier festival de Cannes, avec son premier long-métrage, thriller dans le monde des cercles de jeux. La réalisatri­ce est un peu agacée quand on lui fait remarquer que le film noir est un genre trop souvent réservé aux hommes : « Pour moi, le cinéma n’est pas sexué. Kathryn Bigelow réalise des films d’action depuis bien longtemps… Je n’ai jamais considéré qu’il y avait des sujets réservés aux hommes ou aux femmes. » Démonstrat­ion avec Joueurs, romance fiévreuse portée par Stacy Martin et Tahar Rahim, où la cinéaste parvient, de manière magistrale, à saisir le monde interlope et dangereux de l’addiction aux jeux d’argent – dans les pas de Jacques Audiard, Martin Scorsese ou Wong Kar-Wai.

Des employées, des croupières, des « prêteuses »

Si elle a des modèles (Arthur Penn), des amis – d’anciens étudiants rencontrés à l’université – (« J’ai ma bande de cinéma »), Marie Monge s’est faite toute seule. Pas de passage par une grande école de cinéma mais la fac (Paris 3), et un désir de cinéma chevillé au corps : « J’ai grandi à Tours. Mes parents étaient magistrats et avaient beaucoup d’histoires à raconter. Cela a nourri mon imaginaire. » Ses parents sont également cinéphiles et lui montrent des films. Très vite, l’adolescent­e se met à réaliser les siens. Après le beau court-métrage Marseille la nuit, l’idée de sa première fiction longue lui vient alors qu’elle a 22 ans : « Un ami joueur m’a emmenée dans un cercle de jeux. Dans la salle régnait une fièvre. J’ai instantané­ment senti que le jeu était une addiction, au même titre que la drogue ou l’alcool. C’est ce qui tenait ces gens debout et, en même temps, ce qui les consumait. »

Contrairem­ent, peut- être, aux idées reçues, ces cercles sont fréquentés par un nombre important de femmes : « Des employées, des croupières, une clientèle féminine chinoise… Il y a par exemple celles qu’on appelle les “prêteuses”. Les femmes fréquenten­t aussi les casinos, jouent au black-jack et au poker ; sans parler des joueuses en ligne, qui sont également très nombreuses. » Et si, avec ce film, l’égalité salariale passait aussi par le même droit à tout perdre ? Lors de sa première virée dans une salle de jeux, Marie Monge a « joué et perdu ». Son cinéma, quant à lui, gagne a être vu et reconnu.

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Au centre, Tahar Rahim et Stacy Martin, accros au frisson du jeu.

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