Marie Claire

Sexe, rails et Marivaux

Pour son premier roman, le jeune Léo Fourrier tisse un récit à l’élégance provocante où un lycéen, figure des nuits gays parisienne­s, tombe amoureux d’un quadra marié avec enfants… Explosif.

- Par Gilles Chenaille

De l’histoire d’un adolescent de 16 ans émancipé par ses parents partis travailler en Guyane. Il n’est pas très assidu au lycée, passant la plupart du temps à parler sexe et à travailler son look. Sa meilleure amie lui propose un job de baby-sitter pour ses deux petites soeurs. Une famille de grands bourgeois parisiens du 7e arrondisse­ment. Dont le père est un quadra… trop beau. L’ado, dont on ne connaîtra jamais le prénom, nommé « l’adolescent » ou « le lycéen », est à sa façon une star des nuits 100 % électrisée­s du milieu gay et de ses boîtes à backrooms, ses soirées privées où tous les coups sont permis, et ses excès permanents avec ce qui devient un gimmick récurrent du livre en tête de nombreux paragraphe­s : « un verre, un shot, un rail » . Le tout dans un dérèglemen­t savant de tous les sens que n’aurait pas désapprouv­é un autre adolescent nommé Rimbaud.

Le séduisant père de famille chez qui le lycéen babysitte sera-t-il le Verlaine de cet apprenti Rimbaud ? Disons que la poésie et les déclaratio­ns d’amour ne sont pas son genre, mais que son hétérosexu­alité n’est pas à toute épreuve… Vous dévoiler cela n’est pas spoiler ce roman transgress­if, dont le suspense est ailleurs : comment nos deux héros vont-ils briser un tabou sans briser la famille ? Sachant que ce père à identité double aime vraiment sa femme et ses filles, mais déteste tout carcan.

Surconsomm­ation sexuelle

L’auteur a maintenant six ans de plus (disons… que le personnage de son livre), soit 22 ans, et s’est un peu calmé : « Je sors moins dans des fêtes, et j’ai arrêté la coke. » Peut- on penser, notamment en le lisant, que dans le milieu gay, on pratique une forme de surconsomm­ation sexuelle ? « Mon personnage, comme d’autres dans la réalité, en effet, se conforme à ce cliché sur les gays, qui finit par devenir vrai. Il pense que baiser beaucoup va faciliter sa quête amoureuse. Et en refusant, il aurait peur de perdre la face, notamment lors du weekend que je raconte, où il va jusqu’à se prostituer », explique-t-il. Et d’ajouter : « Il cherche plus des bras que des sexes. »

Les scènes les plus chaudes sont clairement racontées, mais sans mots crus : « J’ai trouvé plus intéressan­t de les écrire de façon suggestive. » Comme pour sa part de féminité (« Je l’assume, n’ayant aucun problème avec ça »), ou la critique sociale d’une certaine bourgeoisi­e, qu’il casse mais en toute classe. « Je suis cynique, mais empathique. » Mélange idéal pour un écrivain en herbe qu’on pourrait déjà situer entre Marivaux, Laclos et ses Liaisons dangereuse­s, Bret Easton Ellis et son Moins que zéro, et Virginie Despentes pour le roman d’elle qui l’a le plus marqué : Baise-moi.

Un incident mineur de Léo Fourrier, éd. Gallimard, 19,50 €.

 ??  ?? Léo Fourrier (ci-dessous) :
« Mon personnage pense que baiser beaucoup va faciliter sa quête amoureuse. (…) Mais il cherche plus des bras que des sexes. »
Léo Fourrier (ci-dessous) : « Mon personnage pense que baiser beaucoup va faciliter sa quête amoureuse. (…) Mais il cherche plus des bras que des sexes. »

Newspapers in French

Newspapers from France