Marie Claire

Le féminin à visages découverts

Explorer les concepts de beauté et de féminité à travers la représenta­tion du visage féminin : c’est ce que propose Dior en marge des Rencontres d’Arles, en exposant le travail des lauréats de son Prix de la photograph­ie pour les jeunes talents.

- Par Diane Lisarelli

Ils sont français, coréen, chinois, japonais, anglais, russe, libanais ou américain, et ont en commun d’avoir été choisis par un jury présidé par le photograph­e allemand Peter Lindbergh et composé, entre autres, de Simon Baker (Maison européenne de la photograph­ie) et Maja Hoffmann (Fondation Luma). Réunis par le Prix Dior de la photograph­ie pour les jeunes talents, monté par la maison Dior en partenaria­t avec des écoles internatio­nales d’art et de photo, tous verront leurs travaux exposés pendant les Rencontres d’Arles. Au sein du Parc des ateliers de Luma Arles, « Dior, The art of color » réunira les séries produites autour du thème « Woman-women faces ». L’occasion d’explorer les concepts sans cesse questionna­bles que sont la féminité et la beauté.

Loin d’être un invariant, cette dernière change en effet bien au- delà des seuls effets de mode : « Elle épouse les grandes dynamiques sociales, les ruptures culturelle­s, les conflits de genre ou de génération », ainsi que l’écrivait Georges Vigarello dans son Histoire de la beauté (éd. Points). A l’heure où partout dans le monde les systèmes de domination pesant sur les corps et les destins des femmes sont mis au jour, que nous donne à voir la nouvelle génération, qui aura la responsabi­lité de renouveler les modèles d’apparence ? Parmi les quatorze projets (huit lauréats et six mentions), une majorité met en avant des corps différents et des femmes en mouvement. Hors cadre ou cachés, leurs visages n’apparaisse­nt pas forcément.

Skateuse et prêtresses shintoïste­s

La beauté, en effet, n’est plus une affaire d’agencement des traits mais une question globale en lien avec la manière « dont l’individu d’aujourd’hui affirme son identité ». Ce que Georges Vigarello observait en 2004 s’est depuis accéléré et universali­sé. Loin de la culture occidental­e, Khoula Hamad, jeune artiste d’origine libanaise qui étudie aux Emirats, se propose de saisir « la beauté des femmes sans se limiter à leur visage », en s’intéressan­t plutôt à leurs actions et gestes quotidiens. Dans une atmosphère ouatée, la Chinoise Yuan Wang joue, elle, avec l’androgynie de son modèle. « Les femmes n’utilisent plus les hommes comme repères mais mettent en avant leurs particular­ités, leurs attitudes, et font porter leurs voix », affirme-t- elle, pendant que

sa compatriot­e Zhyoying Wang montre une skateuse en sweat et baggy. Mai Sakurai, de l’Université des arts de Tokyo, donne, elle, à voir, par touches, l’avènement récent de prêtresses shintoïste­s. Autant de facettes de la beauté et de la féminité… même si les physiques sont quasi exclusivem­ent caucasiens ou asiatiques.

Une allégorie millénaire de la vanité

« A qui fera-t-on croire que l’esthétique féminine n’est pas un des symptômes les plus marquants de l’évolution de la civilisati­on », questionna­it, il y a près d’un siècle, le surréalist­e Philippe Soupault. Issue de l’Ecole nationale supérieure de la photograph­ie, à Arles ( partenaire du prix), la Française Hélène Bellenger s’intéresse aux archétypes des années 20 à 40. La technologi­e du cinéma de l’époque imposait d’accentuer le maquillage pour mettre en évidence les contrastes et l’expressivi­té des visages. Ainsi les actrices paraient- elles leurs lèvres de bleu, leur nez de jaune ou leurs pommettes de vert. D’où le choix de la jeune artiste de « ramener à la surface les maquillage­s invisibles aux écrans de l’époque » pour interroger « les ressorts de constructi­on de l’imagerie de la beauté ».

Qu’en est-il aujourd’hui ? Dans trois séries différente­s venues des Etats-Unis, de Chine et de Corée du Sud (respective­ment Julien Tucker, Tianqi Zong et Jai Uk Jung), des jeunes filles se préparent face à leur miroir. Allégorie millénaire de la vanité très longtemps circonscri­te à l’univers féminin, le miroir est certes principale­ment lié au devoir de la femme d’être jeune, séduisante et fertile. Mais on préférera poser une question plus prosaïque et peut- être plus universell­e : que font ces femmes en cet instant où elles ne se soumettent pas au regard des autres mais posent face à elles-mêmes ? Elles se préparent, mais à quoi ?

« Dior, The art of color », jusqu’au 23 septembre au Parc des ateliers de Luma Arles, vernissage et remise du Prix Dior le 6 juillet.

 ??  ?? A g., I can’t tell you, série Glimpse of us de Yoonkyung Jang (Chung-Ang University, Séoul), à d. et de haut en bas, extrait de la série Her de Mai Sakurai (Tokyo University of Fine Arts), Untitled (greenish), série Right color d’Hélène Bellenger (ENSP, Arles), etRed metaphor #7, série Red metaphor de Wenquingao Reven Lei (Royal College of Arts, Londres).
A g., I can’t tell you, série Glimpse of us de Yoonkyung Jang (Chung-Ang University, Séoul), à d. et de haut en bas, extrait de la série Her de Mai Sakurai (Tokyo University of Fine Arts), Untitled (greenish), série Right color d’Hélène Bellenger (ENSP, Arles), etRed metaphor #7, série Red metaphor de Wenquingao Reven Lei (Royal College of Arts, Londres).
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