Marie Claire

Laure Adler,

auteure et productric­e

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—Quand vous êtes-vous sentie femme la première fois ?

Jamais. L’aînée de trois filles que je suis a peut-être assumé d’être le garçon manqué pour faire plaisir à sa mère. La féminité est arrivée tard, par le regard que les garçons ont porté sur moi, mais je ne l’ai pas éprouvée intérieure­ment. Les quatre fois où j’ai été enceinte ont été des sommets de féminité, jamais à d’autres moments je n’ai ressenti une telle surpuissan­ce.

—Comment avez-vous été éduquée ?

Par une mère hyper-catholique bourgeoise, qui n’a jamais prononcé le mot sexe, ne m’a jamais dit que j’aurais des enfants ni mes règles. Enfant, je vivais en Afrique, j’ai été élevée par des boys, des hommes assez âgés, je voyais assez peu ma mère. Aujourd’hui, elle a 91 ans et pas beaucoup de rides. Elle me dit :

Mon père était très « Arrête de froncer le front, ça fait des rides ! » féministe (ma mère aussi), il nous disait : « Il faut gagner votre vie, être indépendan­tes, on ne sait jamais. »

—Qu’est-ce que la féminité vous évoque ?

La sexualité, l’odore di femmina (comme dans l’opéra de Mozart), tout ce qui attire sexuelleme­nt, qui permet à la femme d’explorer les voies vers la puissance. Une arme absolue. Mais je rejette les codes traditionn­els de la féminité : le travail domestique gratuit, l’obligation de maternité, de fidélité conjugale, de rôle de gardienne du foyer, la restrictio­n de sa propre sexualité.

—Et chez vous ?

Pour être féminine, je fais ce que je crois qu’il faut faire, je suis une grande lectrice de magazines féminins, j’aime la mode, j’aime acheter, un peu trop même, mais je ne sais pas me mettre du rouge à lèvres, du rouge aux ongles. Alors que mes deux filles, si. Ce sont même elles qui m’en mettent parfois.

—Dit-on de vous que vous êtes féminine ?

Non, on dit que je suis féministe. J’ai découvert mon être femme de façon collective, à travers les manifestat­ions, dans lesquelles il y avait une grande solidarité entre les filles. J’ai eu la chance d’appartenir au MLF, j’ai découvert la sororité, le fait qu’on pouvait exister sans avoir à parler de féminité.

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