Marie Claire

Faïza Guène,

écrivaine

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—Quand vous êtes-vous sentie femme la première fois ?

J’étais plutôt garçon manqué. A 19 ans, j’ai publié mon premier roman. J’étais jeune, et ça a joué sur le fait de commencer à vouloir être une vraie fille. Tu te vois au journal télévisé, et tu te dis : « Peut-être qu’il faudrait que je fasse un effort. » Alors que je n’étais pas encore très confiante sur mon image. J’ai pris conscience de ce que je représenta­is malgré moi, et je ne voulais pas entrer dans les stéréotype­s de la fille de banlieue. J’ai voulu ressembler à une romancière. A mon deuxième roman, j’ai commencé à mettre des chaussures à talon et des vêtements près du corps.

—Comment avez-vous été éduquée ?

Avec beaucoup de pudeur. Ma mère est très traditionn­elle, mais elle était hyper-féministe par rapport à son contexte (arrivée en France, d’Algérie, dans les années 50). Elle disait : « Je ne veux pas que les femmes tendent la main à un homme » (pour l’argent). Donner son avis était naturel chez nous, on ne faisait pas de différence entre filles et fils.

—Qu’est-ce que la féminité vous évoque ?

C’est s’affirmer dans son être, dans la manière dont on se construit. Le mot féminité, je ne sais pas si c’est positif ou négatif, j’ai l’impression que c’est galvaudé par le marketing, la pub.

—Avez-vous essayé d’échapper à la condition féminine ?

C’est dur d’échapper aux diktats. Mes modèles de femmes ne correspond­aient pas à ce qu’on attend d’une femme libre aujourd’hui. Une des femmes les plus fortes pour moi et dont j’admire le sens de la féminité, c’est ma grand-mère. Elle est mère de dix enfants, dont elle a accouché chez elle avec la sage-femme du village, elle n’a jamais travaillé, elle est analphabèt­e. Mais inlassable­ment, même dans les pires moments, elle avait toujours ce geste avec le bâton de khôl, de longs cheveux qu’elle tressait. La féminité c’est aussi lié à la dignité.

—Est-ce que vous croyez en une spécificit­é féminine ?

Je n’aime jamais dire qu’on a des spécificit­és liées au genre, mais j’ai constaté qu’on a le cuir plus épais.

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