Idées claires
A chaque numéro, Marie Claire interroge quatre personnalités, venues d’horizons différents, sur un thème universel.
Nicolas d’Estienne d’Orves, écrivain
« Je peux être méchant dans mes écrits, mais pas dans la vie.
Je déteste faire de la peine. Ça ne sert à rien. Je ne suis pas quelqu’un de haineux, aigri ni jaloux.
Chez moi, la gentillesse est venue avec le temps. Je me suis rendu compte que nous avons tout à gagner en étant sympas. En revanche, je déteste la fausse gentillesse, cette mièvrerie sucrée et affectée, le côté cauteleux inutilement diplomate. J’aime la gentillesse saine et claire, voire sèche. Avec la gentillesse, on obtient à peu près ce qu’on veut. Dans un film des années 30, Avec le sourire, Maurice Chevalier campe un escroc souriant totalement immoral qui obtient tout ce qu’il veut avec son naturel avenant. Je ne dis pas que c’est qu’il faut faire, mais on a tout à gagner à être courtois. La gentillesse non calculée est une bonne entrée en matière dans la vie. » Dernier ouvrage paru :
Le silence et la fureur, coécrit avec sa mère, Nathalie Carter, éd. XO.
Brisa Roché, chanteuse
« Je ne suis pas sûre d’être toujours gentille, même si je l’ai été par le passé.
J'ai appris que cela n’était pas toujours la bonne attitude si l’on ne veut pas se laisser marcher sur les pieds et si l’on veut avancer.
Je suis en tout cas généreuse, et cela passe chez moi et depuis toujours par la création de cadeaux faits mains.
Un don de moi-même qui est aussi un don de mon temps et qui provient de la culture californienne et bricoleuse. Je cherche à offrir quelque chose que la personne n'a pas et à faire sentir l’amour que je lui porte. J’agissais tout le temps ainsi, mais contrainte par les aléas complexes de la vie, je suis contrariée de ne pouvoir le faire aussi souvent qu’auparavant. » Dernier album paru : Father, Wagram.
A Paris (Café de la Danse) le 3 octobre.
Patrick Roger, sculpteur d’esthétique*
« Fondamentalement je suis vraiment gentil, même avec les gens qui ne le mériteraient pas toujours. Surtout, je ne déteste personne.
Même le gars qui a mis accidentellement le feu à mon atelier, je n’arrive pas à lui en vouloir.
Il a pourtant foutu vingt ans de ma vie en l’air ! Je suis en revanche moins gentil avec les gens qui ne travaillent pas. Et pas gentil du tout avec des choses aussi barbares que l’excision et d’autres maux faits aux femmes. Là, je peux péter un plomb. Pour moi, ce n’est pas discutable. Bref, être sympa n’est pas si simple, car il y a des gentillesses aussi tactiques que stratégiques. » (*) C’est ainsi que souhaite se dé nir ce célèbre chocolatier.
Aurore Bergé, députée*
« Il est triste de constater que la gentillesse porte désormais en elle quelque chose de négatif. Dans la politique, on l’assimile trop souvent à la crédulité, à la naïveté plutôt qu’à une capacité d’empathie à créer du consensus, à ce qui peut être utile politiquement. Etre gentil est, d’une manière plus générale, presque un reproche aujourd’hui. Avec Emmanuel Macron, nous avons été moqués avec notre concept de bienveillance et d’écoute. Je pense pourtant qu’en politique il ne devrait pas avoir de place pour le cynisme et l’agressivité.
Il y a une limite à la gentillesse : l’absence de réciprocité.
Vous mesurez alors le danger qu’il y a à se laisser happer par des comportements peu vertueux. En politique, il faut savoir aussi mordre et répondre. »
(*) La République en marche.