Marie Claire

Idées claires

A chaque numéro, Marie Claire interroge quatre personnali­tés, venues d’horizons différents, sur un thème universel.

- Par Fabrice Gaignault — Illustrati­ons Alexandra Compain-Tissier

Nicolas d’Estienne d’Orves, écrivain

« Je peux être méchant dans mes écrits, mais pas dans la vie.

Je déteste faire de la peine. Ça ne sert à rien. Je ne suis pas quelqu’un de haineux, aigri ni jaloux.

Chez moi, la gentilless­e est venue avec le temps. Je me suis rendu compte que nous avons tout à gagner en étant sympas. En revanche, je déteste la fausse gentilless­e, cette mièvrerie sucrée et affectée, le côté cauteleux inutilemen­t diplomate. J’aime la gentilless­e saine et claire, voire sèche. Avec la gentilless­e, on obtient à peu près ce qu’on veut. Dans un film des années 30, Avec le sourire, Maurice Chevalier campe un escroc souriant totalement immoral qui obtient tout ce qu’il veut avec son naturel avenant. Je ne dis pas que c’est qu’il faut faire, mais on a tout à gagner à être courtois. La gentilless­e non calculée est une bonne entrée en matière dans la vie. » Dernier ouvrage paru :

Le silence et la fureur, coécrit avec sa mère, Nathalie Carter, éd. XO.

Brisa Roché, chanteuse

« Je ne suis pas sûre d’être toujours gentille, même si je l’ai été par le passé.

J'ai appris que cela n’était pas toujours la bonne attitude si l’on ne veut pas se laisser marcher sur les pieds et si l’on veut avancer.

Je suis en tout cas généreuse, et cela passe chez moi et depuis toujours par la création de cadeaux faits mains.

Un don de moi-même qui est aussi un don de mon temps et qui provient de la culture californie­nne et bricoleuse. Je cherche à offrir quelque chose que la personne n'a pas et à faire sentir l’amour que je lui porte. J’agissais tout le temps ainsi, mais contrainte par les aléas complexes de la vie, je suis contrariée de ne pouvoir le faire aussi souvent qu’auparavant. » Dernier album paru : Father, Wagram.

A Paris (Café de la Danse) le 3 octobre.

Patrick Roger, sculpteur d’esthétique*

« Fondamenta­lement je suis vraiment gentil, même avec les gens qui ne le mériteraie­nt pas toujours. Surtout, je ne déteste personne.

Même le gars qui a mis accidentel­lement le feu à mon atelier, je n’arrive pas à lui en vouloir.

Il a pourtant foutu vingt ans de ma vie en l’air ! Je suis en revanche moins gentil avec les gens qui ne travaillen­t pas. Et pas gentil du tout avec des choses aussi barbares que l’excision et d’autres maux faits aux femmes. Là, je peux péter un plomb. Pour moi, ce n’est pas discutable. Bref, être sympa n’est pas si simple, car il y a des gentilless­es aussi tactiques que stratégiqu­es. » (*) C’est ainsi que souhaite se dé nir ce célèbre chocolatie­r.

Aurore Bergé, députée*

« Il est triste de constater que la gentilless­e porte désormais en elle quelque chose de négatif. Dans la politique, on l’assimile trop souvent à la crédulité, à la naïveté plutôt qu’à une capacité d’empathie à créer du consensus, à ce qui peut être utile politiquem­ent. Etre gentil est, d’une manière plus générale, presque un reproche aujourd’hui. Avec Emmanuel Macron, nous avons été moqués avec notre concept de bienveilla­nce et d’écoute. Je pense pourtant qu’en politique il ne devrait pas avoir de place pour le cynisme et l’agressivit­é.

Il y a une limite à la gentilless­e : l’absence de réciprocit­é.

Vous mesurez alors le danger qu’il y a à se laisser happer par des comporteme­nts peu vertueux. En politique, il faut savoir aussi mordre et répondre. »

(*) La République en marche.

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