Les privilèges
A chaque numéro, Marie Claire interroge quatre personnalités, venues d’horizons différents, sur un thème universel.
« Si l’on me dit “privilège”, tout de suite, j’entends le mot corollaire : “injustice”, de manière réflexe, sans conscientiser. Je pense immédiatement à cette fois où je sors du “four” de Clignancourt : je viens d’acheter 50 € de matériel (haschich, ndlr), je me fais contrôler par la Bac, ils veulent m’emmener au poste. On discute un peu, et au mot “écrivain” je sens tout de suite l’atmosphère changer. Ils finissent par me rendre mon bout en me le remettant eux-mêmes dans la poche avant de me laisser partir. C’est ça, pour moi, un privilège : un avantage indu sur les autres. Et la seule fois où ça m’arrive, la résolution est positive à cause d’un statut. Le monde s’est comporté différemment et avantageusement avec moi à ce seul prétexte. » Dernier ouvrage paru : « Désintégration », éd. L’Olivier. « Je ne vois pas mon métier comme quelque chose de privilégié. Parti de rien, je me suis énormément battu pour être là où j’en suis aujourd’hui. Le monde de l’art est un milieu difficile, y accéder est un privilège acquis de haute lutte. Le seul privilège qui me fasse envie, c’est celui d’avoir du temps. Quels que soient vos privilèges, ils sont contrecarrés par beaucoup de désavantages. que tout le monde finit par emprunter sans respecter les priorités. Les privilèges sont mouvants. Vous-mêmes, les journalistes, en possédez un certain nombre. C’est aussi un privilège d’avoir le pouvoir de gâcher la vie de tout le monde, comme le font tant d’acteurs de la vie sociale. Nous sommes finalement tous les privilégiés de quelqu’un. » Curateur de l’hôtel de Crillon, à Paris, jusqu'au 1er janvier 2019. « Enfant, je n’ai jamais eu l’impression d’être privilégiée. En même temps, je ne peux nier que j’ai une existence privilégiée par rapport à beaucoup. Je fais un métier privilégié que j’aime, dans des conditions superagréables, mais cela s’arrête là : je n’ai pas de privilèges et je déteste cette idée. C’est une espèce de passe-droit effrayant. Ce qui est indu pour des raisons de classes sociales m’a toujours mise mal à l’aise. C’est surtout l’indécence des comportements qui me dérange avec les privilèges. Et c’est heureux. Je détesterais faire des choses que je n’aimerais pas qu’on me fasse. « Qui veut avoir les yeux bleus ? » de Nathalie Azoulai, illustrations de Victoire de Castellane, éd. Gallimard Jeunesse. « L’immense privilège dont j’aurai bénéficié est d’avoir vécu pendant soixante ans dans un continent épargné par la guerre. Cela n’était pas arrivé en Europe depuis des siècles. Toute geignardise contemporaine me semble obscène à cette échelle. Si l’on raisonne sur plusieurs générations, c’est un luxe que nos aînés n’ont pas connu. Slogan inclusif : “Balance tes grognon-ne-s”. Ou : “Tu es heureux, me too.” Le reste s’en déduit, sur fond de paix : privilège de pouvoir atteindre en quelques heures de vol des contrées dont rêvaient les anciens poètes. Privilège d'être aimé par une femme qui vous paraissait inaccessible… Philippe Noiret a magnifiquement joué cela avec le premier regard qu’il pose sur Romy Schneider dans
Le vieux fusil. En ce moment, je suis Philippe Noiret. » A paraître : « Vie et mort de Michael Jackson », éd. RMN, le 19 septembre.
Je ne me fais jamais contrôler parce que je suis blonde et blanche.
Soit vous obtenez des privilèges en les payant très chers, soit ceux-ci n’en sont pas vraiment, comme les queues Sky Priority
Aujourd’hui, le seul privilège, c’est l’argent. La particule ne vous en accorde aucun.
Privilège d’être encore à mon âge le fils d’une mère amusée.