« Dans le théâtre, si on l’ouvre, on meurt »
Directrice du théâtre des Ilets, à Montluçon, Carole Thibaut a secoué le festival d’Avignon en y dénonçant la sous-représentation des auteures au théâtre.
On avait annoncé un « festival d’Avignon féministe ». Or le « in » a présenté 9 % d’auteures contre 91 % d’auteurs…
Je me suis étonnée du chiffre de 45 % de femmes avancé par les programmateurs du « in ». Moi, je compte les conceptrices porteuses de projet, les auteures, metteuses en scène, chorégraphes… Eux, toutes les femmes au sein des équipes, costumières, chargées de production, assistantes. C’est comme dans les théâtres dirigés par
des hommes, ils vous disent : « J’adore travailler avec des femmes dans mes bureaux » !
Votre discours a fait sensation…
Ma colère a surpris dans ce monde de l’entre soi et de la rétention de parole. D’ailleurs, très peu de journalistes culture en ont parlé, alors que le New York Times a publié un article. Le milieu du théâtre est le seul où il n’y a eu aucune affaire Weinstein. Tout le monde se connaît, c’est l’autocensure intégrée.
Si on l’ouvre, on est mort.
Comment en finir avec ce système de cooptation ?
Dans le théâtre, on est dans la filiation patriarcale : l’héritage concret, financier ou culturel, se transmet du père au fils. Pour changer ça, il faut cibler l’enseignement. Quatre écrivaines ont été imposées au bac de français en 2018. Puis il faut encourager les femmes à candidater, elles le font peu et ne reçoivent que 23 % des financements de l’Etat. Si on ne vise pas l’équité, on admet qu’elles ont moins de talent que les hommes.