Maria Schneider, ma cousine mal aimée
La comédienne du sulfureux « Dernier tango à Paris » fait l’objet d’un ouvrage tendre et pudique où sa jeune cousine Vanessa évoque son parcours chaotique dans un cinéma d’hommes. L’auteure répond à nos questions.
Sorti en 1972, Le dernier tango à Paris de Bernardo Bertolucci reste adulé par certains, haï par d’autres. Maria Schneider a alors 19 ans, Marlon Brando, 46. Une scène sexuelle subie a suffi à asseoir la réputation du film et à fragiliser encore davantage une jeune femme, abandonnée par ses parents et élevée en partie chez les parents de Vanessa Schneider, enfant. Sept ans après la disparition de sa cousine, dans un ouvrage à la fois pudique et éclairant, la journaliste et romancière redonne vie à l’icône « droite et libre ». —Pourquoi avoir attendu pour écrire ce livre ? Nous devions le faire ensemble, Maria et moi, mais elle a continuellement repoussé le projet, c’était trop douloureux pour
elle. Elle est morte en 2011. Il y a cinq ans, je me suis dit qu’il était temps de lui rendre hommage. —Pensez-vous qu’elle l’aurait aimé ?
Le livre est un mélange de vérités et de constructions forcément un peu imaginaires puisque le souvenir porte toujours en lui une part de subjectivité. Ce n’est pas la vérité sur Maria, c’est la place que celleci a occupée dans ma vie.
—Sa mère l’abandonne jeune, et lui reproche de lui causer des « ennuis » lorsqu’elle lui apprend qu’elle a un cancer… Ma tante était très mal-aimante, elle n’est pas venue à son enterrement. Quant à son père, Daniel Gélin, ce n’est pas beaucoup mieux. Elle l’a retrouvé à 17 ans, et il pré-
férait l’exhiber en boîte plutôt que de bâtir une relation père-fille normale. —Pensez-vous que « Le dernier tango à Paris » l’ait détruite ? Ce qui est certain, c’est que le Tango a pesé dans son plongeon dans l’héroïne. Sa réputation sulfureuse, avec la scène du beurre, l’a poursuivie toute sa vie. —Elle en a voulu à Brando et Bertolucci ?
A Brando, non. Ils sont même restés amis pratiquement jusqu’à la mort de l’acteur. En revanche, elle n’a eu de cesse de dénoncer la façon dont Bertolucci l’avait instrumentalisée. N’oubliez pas que Brando et ma cousine avaient presque trente ans d’écart. Maria et le Tango symbolisent à son maximum l’emprise des hommes sur le cinéma d’alors et sur la place des femmes, trop souvent traitées comme des objets purement sexuels.
—On a le sentiment d’un gâchis, comme si Maria Schneider était passée à côté de sa vie.
Pas vraiment, elle a fait quand même cinquante-huit films, dont un chef- d’oeuvre, Profession reporter (de Michelangelo Antonioni, ndlr). Elle n’a jamais baissé les bras. —L’amitié indéfectible de Brigitte Bardot est quelque chose de très beau. Bardot a été exemplaire de générosité, de présence et d’affection. Elle l’appelait, lui envoyait des colis, et a tenu à financer ses obsèques. Il y a eu toute une période très joyeuse où elles ont vécu ensemble.
(*) Tu t’appelais Maria Schneider de Vanessa Schneider, éd. Grasset, 19 €.