La magie retrouvée des sorcières
Portés par l’époque, ces modèles d’indépendance féminine réinvestissent le champ culturel. Et sont au centre d’un essai passionnant de Mona Chollet* qui balaie les préjugés à leur égard.
Elle maîtrisait la science des plantes, avait le pouvoir de soigner, d’accompagner les femmes dans la maternité, et était trop indépendante pour les hommes. La sorcière est de retour dans la pop culture en même temps que le mouvement #MeToo donne la parole aux femmes. Dans Sorcières, la puissance invaincue des femmes, Mona Chollet rappelle que « la première “bonne sorcière” de la culture populaire », après de nombreux livres plein de préjugés, fut Glinda dans Le magicien d’Oz, inspirée de l’Américaine Matilda Gage qui considéra la chasse aux sorcières sous un angle féministe. Quelle meilleure manière de balayer l’insulte sexiste de « sorcière ! » que d’en faire une fierté ? En 2018, les sorcières modernes pointent à nouveau leur nez dans la mode et les arts. Le réalisateur Robert Zemeckis ( Retour vers le futur) va adapter Sacrées sorcières de Roald Dahl, la série Charmed a déjà révélé son casting rajeuni et Sabrina l’apprentie sorcière revient sur Netflix dans une version promettant d’être plus sombre que Salem, son fameux chat noir bavard. Cette montée en force de la magie est tangible depuis quelque temps comme en témoigne le succès outre-Atlantique de Gabriela Herstik et son livre Craft: how to be a modern witch. L’intérêt grandissant pour le surnaturel va de pair avec un rapport à mère Nature plus protecteur, défendu particulièrement par les éco-féministes.
Des contorsions arachnéennes
Les musiciennes sont aussi sous le charme. L’envoûtante Canadienne Grimes, qui fut brièvement associée à une scène appelée witch-house, la Britannique FKA Twigs, aux contorsions arachnéennes, et Florence + the Machine, rousse et fière de l’être, ont intégré l’esthétique de la sorcellerie à leur style. Lana Del Rey avait annoncé sur Twitter avoir jeté un sort à Donald Trump avant les élections. S’il y eut une brève mode des sirènes, le retour en grâce de la sorcière est bien plus qu’une simple tendance. « La magie apparaît paradoxalement comme un recours très pragmatique, un sursaut vital, une manière de s’ancrer dans le monde à une époque où tout semble se liguer pour vous précariser et vous affaiblir », se réjouit Mona Chollet.
(*) Sorcières, la puissance invaincue des
femmes de Mona Chollet, éd. Zones, parution le 13 septembre.