“J’ai appris que mon grand-père avait été le fruit d’un viol.”
Trois questions à Mathieu Deslandes, journaliste et écrivain
Ce drame, porté à sa connaissance il y a deux ans, lui permet aujourd’hui de confronter un siècle de domination masculine à travers le livre enquête* saisissant qu’il a écrit avec sa femme. —Pourquoi avez-vous eu envie de dévoiler ce secret de famille ?
Je savais que mon grand-père était un enfant naturel mais j’ai appris lors d’un enterrement qu’il avait été le fruit d’un viol. Ça m’a beaucoup remué mais encore plus lorsque ma grand-tante m’a fait une révélation capitale : mon arrière-grand-mère n’a pas été la seule à être violée lors de cette fête d’août 1922. D’autres jeunes femmes de ce village de la Beauce avaient subi le même sort et plusieurs enfants étaient ainsi nés au printemps suivant.
Vous expliquez qu’une phrase de votre grand-tante a été l’élément déclencheur.
Oui, à un moment, elle a employé une expression étonnante pour une femme de son âge. Elle m’a dit : « On parle beaucoup de consentement en ce moment, je peux te dire
que ces filles n’étaient pas consentantes. »
Visiblement #MeToo était arrivé jusqu’à ses oreilles. Ce mouvement a sans doute déclenché en elle l’envie de me dévoiler cette histoire.
La question du consentement, souligné par votre femme qui cosigne l’ouvrage, est également au coeur de l’enquête.
À l’époque, Zineb travaillait sur le consentement depuis plusieurs mois. Cette révélation familiale a rencontré cette préoccupation qui était la nôtre dans nos discussions. Je dois avouer qu’avant l’affaire Harvey Weinstein, je m’étais peu intéressé à cette question. Il nous a paru évident que Soir
de fête devait être écrit à quatre mains pour restituer aussi nos échanges sur le sujet.
(*) Soir de fête de Mathieu Deslandes et Zineb Dryef, éd. Grasset, à paraître le 28 août.