Marie Claire

L’actu qui nous touche, nous interpelle

Un an après l’acte 1 du mouvement initié le 17 novembre 2018, les femmes qui ont porté ses revendicat­ions restent très impliquées.

- Par Brice Perrier

« Nous étions seuls avec nos pensées, et le mouvement nous a coalisés. » Justine, commerçant­e de 52 ans, résume ainsi son engagement avec les gilets jaunes. Atypique, ce mouvement social a interpellé la France mais, depuis un an, surtout profondéme­nt marqué ses participan­ts. « Des individus n’osaient pas parler de leurs difficulté­s et ils se sont mis à échanger avec des personnes de provenance­s très diverses », souligne Priscillia Ludosky, à l’origine de la pétition contre la hausse du prix des carburants qui a contribué à la mobilisati­on. Son ampleur insoupçonn­ée l’a « confortée dans l’idée qu’un citoyen dispose d’outils pour donner son avis et demander des comptes. Le timing était bon car s’exprimait alors un grand ras-le-bol, mais on ne nous a pas écoutés. Aucune de nos demandes n’a été prise en compte ». En attestent, précise-t- elle, les 59 propositio­ns sorties du Vrai débat organisé par les gilets jaunes. Toutes ignorées par le gouverneme­nt, à commencer par le trio de tête : l’exigence d’un casier judiciaire vierge pour les élus, la suppressio­n de leurs rémunérati­ons et privilèges après leur mandat, et l’instaurati­on du Référendum d’initiative citoyenne (RIC). « Emmanuel Macron a certes lâché de l’argent en décembre, mais la grande spécificit­é de ce mouvement

a été de se fédérer autour d’une modificati­on institutio­nnelle, relève la politiste Clara Egger, coauteure de RIC : le Référendum d’initiative citoyenne expliqué à tous*. Un énorme décalage s’est révélé avec les citoyens par le refus catégoriqu­e d’adopter une mesure soutenue par l’opinion. » D’ailleurs, « le RIC fédère toujours, car le pouvoir du peuple de changer la loi comme la constituti­on apparaît indispensa­ble », assure Sophie, animatrice de 45 ans. Présente sur les ronds-points dès la première heure, elle reste toujours mobilisée et prête à manifester, bien que s’activant désormais davantage dans des assemblées citoyennes. « On passe à un éveil démocratiq­ue et il faut savoir être patient », estime-t-elle, revendiqua­nt une transforma­tion personnell­e. « Ma conscience politique s’est aiguisée, ajoute Catherine, intérimair­e de 59 ans. Je n’ai jamais autant lu, de L’Huma au Figaro, afin de me forger ma propre opinion. » L’évolution peut aussi être profession­nelle, comme pour Justine qui a entamé une reconversi­on vers l’agricultur­e biologique : « Les mots, c’est bien, mais les actes, c’est encore mieux. Ce mouvement a changé ma vie et je veux m’impliquer dans les circuits courts pour proposer une alternativ­e au supermarch­é. »

Bref, l’impact du phénomène dépasse très largement les affronteme­nts et les saccages qui ont focalisé l’attention. « Bien sûr qu’il y avait des abrutis et des actes inacceptab­les, y compris entre gilets jaunes avec des insultes et des menaces inadmissib­les envers ceux qui se mettaient en avant, comme Ingrid Levavasseu­r ou Jacline Mouraud, déplore Catherine. Mais ce qui m’a convaincue de ne pas lâcher prise, ce sont les violences policières injustifia­bles longtemps passées inaperçues. Aux côtés de femmes piétinées, d’éborgnés, d’estropiés, je ne pouvais pas lâcher. » Il y a toutefois eu des coups de blues, entre répression et épuisement. La déprime du gilet jaune a même atteint son pic après les élections européenne­s. « En voyant Le Pen et Macron arriver en tête, avec rien derrière, beaucoup sont partis en se disant : “Tout ça pour ça”», se rappelle Stéphanie. Et maintenant ? « Il y aura du monde dans la rue jusqu’à l’anniversai­re, et ensuite nous utiliseron­s toutes les méthodes possibles », annonce Priscillia Ludosky, qui oeuvre à la création d’un lobby citoyen. « Le mouvement est face à une obligation de muter », remarque Clara Egger. L’avenir dira vers quoi.

(*) Avec Raul Magni-Berton, éd. Fyp.

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À gauche, le 20 avril 2019, manifestat­ion dans le quartier de Bercy. À droite, le 24 novembre 2018, au centre commercial de Barentin.

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