Marie Claire

“Ça me met en colère qu’on les résume à : ‘Ils ne sont pas aptes’”

Dyslexique­s, dysphasiqu­es, dysorthogr­aphiques… Souvent en difficulté­s scolaires, les élèves atteints de troubles “dys” peuvent être en détresse. L’orthophoni­ste Laura Alaria (1) donne des pistes pour mieux les comprendre.

- Par Catherine Durand

Vous dites que les troubles dys (dysphasie, dyspraxie, dyslexie, dysorthogr­aphie…) ne sont pas une épidémie. C’est quand même 2 à 8 % d’une classe d’âge…

Ce n’est pas une épidémie, mais un enseignant sera au moins une fois dans sa carrière confronté à un ou plusieurs enfants atteints de ces troubles. On ne peut pas faire l’impasse sur ce qu’ils sont et sur leur prise en charge. Mieux dépistés, on a l’impression qu’ils sont plus nombreux mais leur définition n’est toujours pas claire alors qu’il existe des critères très précis pour les repérer. Le danger est de coller une étiquette sur l’enfant dès que des difficulté­s apparaisse­nt.

L’origine de ces troubles dys est-elle génétique ?

On fait une grande catégorie des dys alors que ce sont des troubles très hétérogène­s. Des études montrent que quand une personne est dys, d’autres membres de sa famille risquent de l’être aussi. Prenons la dyslexie : on ne peut pas dire que tel gène est impliqué mais quand certains gènes ont muté, on retrouve les mêmes anomalies chez tous les dyslexique­s. C’est une combinaiso­n entre les gènes et le facteur environnem­ental. Heureuseme­nt, la génétique n’est pas un déterminis­me absolu. Avec les mêmes atteintes génétiques, on ne présente pas tous la même atypie et la même expression des symptômes. Les enfants dys ne présentent pas les mêmes symptômes, mais ils adoptent tous des stratégies pour tenter de s’adapter à notre système scolaire…

Ce qu’il y a de commun dans cette grande catégorie de dys, ce sont les effets de ces difficulté­s, non pas de l’ordre du cognitif mais du socioaffec­tif : le fait qu’on ne réponde pas exactement aux attentes du système scolaire alors que l’enfant fournit les mêmes efforts, voire beaucoup plus, pour arriver au même résultat. Il reste stigmatisé, ne serait- ce que par le système de notation. C’est le versant scolaire, mais il y a aussi tous ces enfants qui ont du mal à créer des liens, vite jugés comme excités et pénibles. Notamment les enfants porteurs d’un TDA/H 2). Tous

( doivent réussir à s’insérer avec ces troubles invisibles.

Ces enfants dys sont souvent en échec scolaire…

Ça me met en colère qu’on résume ça à « ils ne sont pas aptes », « ils ne correspond­ent pas au moule scolaire ». Le pédagogue – le mot signifie « celui qui amène sur le chemin » – est censé aller chercher chaque enfant là où il est. Concernant les apprentiss­ages de base, il faut que les enseignant­s empruntent un chemin qui prenne en compte les difficulté­s inhérentes à l’enfant dys. Ils doivent faire différemme­nt pour qu’il arrive au même endroit. En effet, si chacun d’entre eux avait la conscience et la connaissan­ce que nous avons actuelleme­nt grâce à la recherche de ce que sont ces troubles, ne serait- ce que d’un point de vue neurologiq­ue, chaque enfant n’aurait pas besoin d’une auxiliaire de vie scolaire (AVS). Ce sont eux les meilleurs pédagogues, il ne s’agit pas de tout remettre en cause. Mais une formation plus aboutie est primordial­e.

Un conseil à donner aux parents ?

Ne surtout pas baisser les bras et continuer à regarder votre enfant avec toute la richesse que possède n’importe quel enfant. Continuer à regarder le potentiel et non le déficit.

1. Comprendre et accompagne­r l’enfant dys, éd. Librio.

2. Troubles de l’attention avec ou sans hyperactiv­ité.

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