Marie Claire

Le coeur soldat d’Emily Beecham

Formée aux classiques, récompensé­e à Cannes pour son rôle dans “Little Joe”*, l’Anglaise incarne cette nouvelle génération d’actrices à poigne et poignantes qui font exploser les stéréotype­s au cinéma.

- Par Emily Barnett

Elle cherche encore ses mots pour décrire son émotion en recevant le prix d’interpréta­tion au festival de Cannes : « J’étais bouleversé­e. Sur scène, j’ai réalisé que je n’avais pas préparé de discours. J’ai balbutié la première chose qui m’est venue : le matin, j’avais appris la nouvelle et sauté dans le premier avion en oubliant ma brosse à dents ! » À 35 ans, l’actrice née à Manchester d’un pilote de ligne anglais et d’une mère originaire d’Arizona, aux États-Unis, admet que ce trophée, le Graal de tous les acteurs, a changé sa vie : « On me prend plus au sérieux. Les portes se sont ouvertes. Des cinéastes que j’ai toujours admirés viennent à moi. » C’est ainsi qu’Hollywood lui a dernièreme­nt déroulé le tapis rouge en lui offrant un rôle dans Cruella, le prochain remake des 101 dalmatiens, au côté d’Emma Watson. Emily Beecham nous confie cela avec un petit rire modeste et amusé. Ses débuts de comédienne ne la prédisposa­ient pas à une telle ascension au cinéma. « Au Royaume-Uni, on a une vision un peu poussiéreu­se de ce que doit être une actrice de théâtre. Ma vocation est née très tôt. À 18 ans, je suis allée à la London Academy of Music and Dramatic Art, mais les rôles que l’on me proposait m’enfermaien­t dans des stéréotype­s : la fille rousse au teint de porcelaine, évanescent­e et fragile. Or je me sens à l’opposé de ça. » Emily Beecham, qui vit aujourd’hui à Londres, a en effet une singulière tendance à endosser des rôles de femmes à poigne : elle est devenue célèbre grâce à Into the badlands, la série post-apocalypti­que qui lui a fait pratiquer quotidienn­ement les arts martiaux. Après un passage chez les frères Coen ( Ave, César !), c’est dans le film d’auteur Daphné, en 2017, qu’elle incarne une jeune femme témoin d’une agression. « J’aime ces héroïnes qui, derrière des manières bourrues, se battent contre l’adversité. En anglais on appelle ça des “leading characters”. Ils ont longtemps été réservés aux hommes. Heureuseme­nt, cela est en train de changer. » Dans Little Joe, elle joue une généticien­ne, dans un futur proche et anxiogène. « Sa paranoïa est le résultat de sa culpabilit­é. Elle est déchirée entre dédier son temps à l’éducation de son fils et la pression de son travail, son perfection­nisme et sa quête de succès. Ce dilemme est aujourd’hui universel, partagé par des millions de femmes. » Emily Beecham n’a pas d’enfant et reconnaît que l’industrie en est la cause, car celle-ci vous « éloigne de votre propre vie » : « Pour faire des enfants, il faut être aidée. Ou avoir un compagnon très dévoué. » Le sien vit à l’étranger, ce qui entraîne de nombreux déplacemen­ts. « Le métier de mon père m’a beaucoup fait voyager, et ça continue aujourd’hui avec les tournages. Quand je rentre chez moi à Londres, je me sens en vacances ! »

(*) De Jessica Hausner, avec aussi Ben Whishaw, sortie le 13 novembre.

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Dans : 1. Little Joe de Jessica Hausner, 2019. 2. Ave, César ! de Joel et Ethan Coen, 2016. 3. Into the badlands, saison 3, 2019. 2
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En 2019, à Cannes, elle reçoit le Prix d’interpréta­tion féminine pour son rôle.
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