Une femme dans la cage des hommes
Son film*, glaçant, suit le quotidien des détenus de la prison des Baumettes, à Marseille. Elle nous raconte l’ennui et la violence exacerbée qui règnent dans ce lieu central de notre système judiciaire, mais “hors la loi”.
Que dit la prison en tant qu’institution de notre société ?
C’est un miroir déformant car c’est le lieu où l’on va absorber les individus, dont le travail, la famille, l’école, la société en somme, ne veulent plus. Pour des détenus qui accumulent plusieurs dizaines de condamnations souvent dès leur majorité, la prison devient une matrice, un repère. Christelle Rotach, ex-directrice des Baumettes, a accepté que nous y tournions car elle voulait que les juges voient la réalité des lieux où ils enferment ces hommes. Je n’avais pas mesuré la violence qui règne ici, où on peut mourir pour un paquet de cigarettes.
Comment avez-vous choisi les détenus ?
Il n’y a eu aucun casting, ce sont eux qui sont venus à nous. Ils avaient envie de se montrer, de parler d’eux. Quand on passe 22 heures sur 24 dans une cellule de 9 m2, le problème, c’est l’ennui. La prison est une vaste comédie de l’absurde où tout est exacerbé, on y est plus
pauvre, plus seul, plus fragile. La virilité y est surjouée car certains n’ont pas eu de père, d’où des carences de transmission. La situation est différente dans les établissements pour femmes, qui ne constituent que 3 à 4 % de la population carcérale. Ce sont souvent des mères qui continuent de s’occuper de leurs enfants depuis leur cellule.
Quelles réactions souhaiteriez-vous provoquer ?
J’aimerais que le film aide à réfléchir à la société que nous souhaitons car même d’un point de vue sécuritaire, ce système ne fonctionne pas. La France a déjà été condamnée dixsept fois pour ses conditions de détention par la Cour européenne des droits de l’homme. C’est ingérable de vouloir réhabiliter des êtres qui ont fauté dans un endroit qui, à bien des égards, est lui-même hors la loi.
(*) Des hommes, d’Alice Odiot et Jean-Robert Viallet, sortie le 19 février.