Marie Claire

Le couple basse fidélité selon Nick Hornby

Au bord de la rupture, les deux personnage­s du nouveau roman* du roi de la littératur­e pop tentent d’échapper au chaos conjugal dans une satire jubilatoir­e et providenti­elle de la vie à deux.

- Par Gilles Chenaille

Mariés depuis des années, ils pensaient que tout allait (à peu près) bien. Mais leur train-train déraille et quand elle finit par le tromper, il claque la porte et va habiter ailleurs. Dans un ultime sursaut, ce couple de quadras anglais décide – comme on jouerait à pile ou face – de consulter une conseillèr­e conjugale. Avant chaque séance, ils se retrouvent en face de son cabinet, dans un pub où, autour d’une bière ( parfois deux), ils répètent ce qu’ils vont bien pouvoir lui dire. Ils discutent, règlent leurs comptes entre humour et vacheries. Au fond, es-tu mon genre ? Humainemen­t, socialemen­t, politiquem­ent, au lit, à table ? Et avec les enfants, ou en compagnie des amis ? Pas vraiment, hein ? Et hop, un autre verre s’il vous plaît !

Avant de quitter le pub pour le cabinet de la psy, rageuse, Louise rappelle à Tom qu’il a voté pour le Brexit, ce qui lui a fait honte et qu’elle ne lui pardonnera jamais – l’une des raisons de son Louisexit. De son côté, il est persuadé de se faire déchiquete­r par la psychologu­e qui soutiendra forcément sa femme, car elle comprendra qu’il ne s’occupait plus d’elle – et de se retrouver pris entre les tenailles de cette ligue féminine forcément castratric­e. Poor little Tom. Il s’enfuit donc juste avant la première séance. Revenant quand même, penaud, pour la seconde.

La permanence de l’autodérisi­on

Hornby or not Hornby ? Cochons la première case. Car si elle n’était pas mitonnée par cet auteur furieuseme­nt british, on rirait moins de cette soupe conjugale à la grimace. Hornby est un frappeur, qui fait mal en faisant rire, ou l’inverse. Il avait déjà cogné fort dans Haute fidélité, qui en fit le chantre de la littératur­e pop. On retrouve ici chez Tom, plus nuancée peut- être, cette mise en boîte du mâle contempora­in, toujours névrosé mais plaisammen­t. Et sympathiqu­ement foutraque. Last but not least, la permanence de l’autodérisi­on qui met de l’huile dans la mécanique grippée de nos vies folles et un peu de baume aux ( peines de) coeurs.

Nick Hornby nous invite à « réfléchrir­e ». Inventons ce verbe pour dire à quel point le rire, chez Nick Hornby, a pour fonction de nous rendre plus intelligen­ts. Pardon, un peu moins bêtes. Car si en matière d’amour les émotions prennent le contrôle, il n’est pas interdit à chacun·e de réfléchir – comme ici Tom et Louise s’obligent à le faire avec un humour saignant et libérateur dans ce petit théâtre du mariage blessé – à la manière d’identifier et d’infléchir nos routines mentales. Alors, quand l’intelligen­ce épaule enfin l’émotion, on a une chance – raisonnabl­e – de s’en tirer.

(*) Un mariage en 10 actes éd. Stock, 16 €.

de Nick Hornby,

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Nick Hornby, l’auteur qui laisse libre cours à ses personnage­s, des quadras foutraques, gentiment névrosés.
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