Marie Claire

“Le travail à la main a toujours du grain, mais il est aussi porteur de sens.”

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tation ou la profusion mais l’authentiqu­e, le naturel, l’artisanal. » En haut du palmarès ? Ce qui semble surgi de la terre presque sans artifices, ou avec une interventi­on humaine moindre. On retrouve d’ailleurs cette volonté de produits bruts dans le secteur de l’alimentati­on qui promeut l’idée du circuit court et des saveurs inaltérées. L’univers de la décoration résonne aussi avec tout cela : on plébiscite la poterie, la céramique, la corde, les atmosphère­s rustiques ou méditerran­éennes, les murs à la chaux et les chaises en paille. Comme un air de vacances et de sérénité, toute l’année.

« Adopter le modern craft, c’est affirmer une envie de se mettre en retrait du bruit, décrypte Fériel Karoui. Le bruit des réseaux sociaux, de la fast info, les bad buzz sur Twitter et les polémiques incessante­s sur les chaînes en continu. Le bruit des villes, des voitures. Il y a une volonté de faire silence et d’aller vers une forme d’ascèse. D’ailleurs, les boutiques les plus cool du moment ressemblen­t presque à des monastères, c’est dire ! » Un havre de paix où l’on pourrait faire son shopping tout en s’accordant une pause méditation ou yoga : l’idée n’est pas si saugrenue, elle est déjà mise en oeuvre, par exemple, dans certaines boutiques à New York ou Los Angeles.

Et puisque dans cette tendance, tout semble bien « aligné » comme on le dit en astrologie, l’artisanat et le fait main sont au coeur des valeurs promues. « Il s’agit de sortir de la consommati­on standardis­ée et répétitive pour aller vers quelque chose d’unique, d’imparfait et d’authentiqu­e, note Bénédicte Fabien. Le travail à la main a toujours du grain, mais il est aussi porteur de sens, d’histoire et d’une dimension artistique. » Face aux difficulté­s que traverse la mode, liées aux préoccupat­ions écologique­s et à l’arrêt de la chaîne de production lors du Covid-19, il est devenu vital pour les marques de reprendre la main sur leurs processus de production. Sortir de la dépendance à la Chine, pour revenir – pour partie – à du local. Mettre en valeur les artisans qui élaborent le produit. C’est ce que fait, par exemple, la créatrice Marine Serre dans une série de petits films titrés Regenerate­d, qui présentent chacun un vêtement iconique et son artisan. « C’est une manière de redonner de la valeur au produit, en montrant le travail patient, minutieux qu’il a exigé », reprend Bénédicte Fabien. Puis cela permet de justifier un prix plus élevé que ceux des marques de fast fashion pour des vêtements produits dans des conditions parfois indignes à l’autre bout du monde – Chine, Bangladesh ou Pakistan.

« Une approche politique et citoyenne »

Mais il n’y a pas que ça. « Porter des vêtements sobres et fabriqués de manière locale et artisanale, c’est aussi être dans une approche politique et citoyenne, explique enfin Fériel Karoui. Ce sont des pièces « statement » qui disent : « Je refuse de souscrire au culte des tendances, de la vitesse, de la surconsomm­ation. Il y a vraiment une dimension éthique là-dedans. » Peut rentrer en ligne de compte, également, l’envie de soutenir tout un tissu économique et social de proximité, liée à une vie communauta­ire, comme on le fait avec les agriculteu­rs de nos régions. Autrement dit, plus que jamais, consommer c’est choisir. Et ces robes monacales, ces sandales naturelles et ces paniers en osier racontent rien moins que ça : une envie de faire bouger les choses. Moderne, pour sûr.

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