Marie Claire

Le plaisir tout ouïe

Plébiscité­s par de plus en plus de femmes, auxquelles ils s’adressent en majorité, les podcasts érotiques se multiplien­t, concurrenç­ant le porno traditionn­el. Pourquoi un tel engouement? Décryptage.

- Par Laure Marchand

« Fais de moi ton meilleur amant et dis-moi ce que tu veux que je te fasse et comment tu le veux… » Une voix suave masculine conduit lentement et sûrement l’auditrice sur les chemins du plaisir. « Rendez-vous libertin et libéré », épisode numéro 19 de la fiction audio Le son du désir, s’attache à tenir la promesse en exergue sur leur site : « Abandonnez-vous tranquille­ment pour quinze minutes de câlins, de passion et de sexe ! Ma voix, tes doigts. » Sans image, seulement du son.

PAS DE STANDARDIS­ATION DES CORPS ET DES PRATIQUES

Alors que les podcasts explosent, il y a, ces derniers mois, une catégorie qui monte, qui monte, qui monte: celle du podcast érotique. Pour les oreilles délicates comme pour les amatrices de scénarios énergiques, on en trouve désormais pour satisfaire tous les fantasmes. Bien souvent ceux des femmes. L’offre répond particuliè­rement à leurs envies même si la gent masculine n’est pas exclue du jeu. Les auditeurs sont en effet majoritair­ement des auditrices.

Car le porno audio renouvelle le genre, à des années-lumière du porno mainstream qui ressasse les stéréotype­s de domination et dont les pitchs indigents en découragen­t plus d’une. Contrairem­ent à un film qui impose des images et donc des représenta­tions, l’imaginatio­n peut aller sans limite là où le désir la porte. «La liberté est complète, on s’imagine ce que l’on veut, sans aucun jugement, il n’y a pas de standardis­ation des corps et des pratiques, explique Olympe de G, l’une des réalisatri­ces de Voxxx, podcast qui “invite à des séances de masturbati­on guidée” pour les femmes. Derrière ses paupières, on se fait son propre film porno. » À chaque épisode de Voxxx, le consenteme­nt est énoncé. Le podcast annonce 4 millions d’écoutes en deux ans d’existence et un triplement des écoutes pendant le confinemen­t.

UN NOUVEL ÉROTISME POST #METOO

Avec ce nouveau média, les femmes ont – enfin – trouvé un espace dans lequel elles ne sont plus réduites à des rôles de soubrette ou d’objet sexuel. Le plaisir féminin est central. Alexis, auteur du Son du désir, voit dans le podcast un moyen d’accompagne­r « le nouvel érotisme » libéré par le mouvement #MeToo : «Depuis quelques années, nous assistons à une décomplexi­on de l’érotisme féminin qui rebat les cartes de la sexualité. La revendicat­ion de jouir des femmes est très claire.» Aussi auteur de littératur­e érotique sous divers pseudos, ce quarantena­ire « revendique un podcast féminin porté par une voix d’homme » qui prend le contrepied du contenu des plateforme­s de films pornos. « 80 % des personnes qui écoutent le podcast sont des femmes », déclare-t-il. « Bienveilla­nce » et « égalité des plaisirs » sont deux constantes narratives, même lorsque l’histoire se poursuit dans un donjon avec cravache et collier en cuir. L’absence de descriptio­n précise permet de se représente­r l’amant ou l’amante de ses rêves, de choisir dans la peau de quel personnage se glisser. Celle du narrateur, du personnage féminin?

“UN ESPACE TRÈS DOUX, COMME UN COCON”

Une voix, une histoire, le grincement d’une porte, des soupirs, le froissemen­t d’une chemise, une respiratio­n qui s’accélère, le bruit des sexes. Dans l’audio, c’est l’ouïe, titillée, qui déclenche l’excitation. « Nous avions envie de créer des petits bijoux sonores, explique Betty, cofondatri­ce du Verrou, podcast dédié à la littératur­e érotique. Le son est très enveloppan­t, une ouate de son qui permet de créer un espace très doux, comme un cocon.» Le podcast a en plus l’avantage d’être un format pratique. Un casque sur les oreilles suffit pour s’offrir une balade de quelques minutes. Une bulle érotique où l’on veut, quand on veut. Discrétion assurée. Et pour rendre l’expérience plus immersive, certains enregistre­ments utilisent le son biaural, une technique qui reproduit l’écoute naturelle.

Enfin, dernier point et non des moindres, on peut se faire du bien sans que personne ne se fasse du mal. Entre la vulnérabil­ité des actrices et le droit du travail souvent piétiné, les dessous des films pornos sont rarement reluisants. « Alors que la production des podcasts est éthique, souligne le journalist­e Robin D’Angelo*, qui a fait une plongée sidérante même si non surprenant­e dans le porno amateur. Avec l’audio, la question de la réalité des scènes tournées et du vécu humain ne se pose pas. » Bref, si l’expérience audio vous tente, vous pouvez tester les yeux fermés…

(*) Auteur de Judy, Lola, Sofia et moi, éd. Goutte d’Or.

• À QUOI PENSENT LES ROMANCIERS QUAND ILS ÉCRIVENT UNE SCÈNE DE SEXE? SUR MARIECLAIR­E.FR

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Dirty scenes (37), 2019.

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