Les belles sauvages de Justine Kurland
Des jeunes filles en quête de liberté, entre féminisme et romantisme: c’est ce que met en scène Girl pictures, la mythique série de photographies de l’Américaine, superbement rééditée.
L’IMAGE DE LA RÉBELLION
Entre 1997 et 2002, Justine Kurland a sillonné les ÉtatsUnis et imaginé, au fil des jours et des paysages, l’histoire photographique d’une horde de jeunes filles vivant dans les bois et rejetant les normes sociales. Elle a eu l’idée de la série Girl pictures alors qu’encore étudiante, elle sortait avec un homme qui était le père d’une adolescente rebelle. Ensemble, elles ont inventé l’histoire d’une fille en fuite.
LA MYSTIQUE DE LA ROUTE
En parcourant les routes de l’Ouest américain, Justine Kurland reprend à son compte le mythe masculin de l’évasion dans le paysage, incarné par un écrivain comme Jack Kerouac ou un photographe comme Robert Frank. Mais ses héroïnes sont les adolescentes qu’elle rencontre et qui forment, devant son objectif, un bouquet de sylphides insoumises et rieuses, entre jeunes filles en fleurs et « virgin suicide girls ».
LE GIRL POWER COMME OBJET Construire une cabane, plonger nues dans les torrents, construire des radeaux : il y a dans les images de Justine Kurland les réminiscences d’un monde revenu à l’état de nature, régi par une communauté de filles qui agrègent leur énergie et revendiquent de nouveaux territoires. Fortes et solidaires, les adolescentes frondeuses sont prêtes à déclencher un soulèvement. Girl pictures est l’histoire d’un éveil collectif.
L’ENVERS DU RÊVE AMÉRICAIN Née en 1969, Justine Kurland a étudié à l’université de Yale, où Gregory Crewdson et Philip-Lorca diCorcia, deux stars de la photographie lui ont appris à mettre en scène ses images et brouiller la frontière entre réel et imaginaire. La réédition de ce travail, augmentée d’images inédites, révèle plus que jamais une autre face du rêve américain. Girl pictures, photos de Justine Kurland, texte de Rebecca Bengal (nontraduit), éd. Aperture, 58 €.