Portrait Tom Connan La bombe textuelle

À travers le récit d’une histoire charnelle toxique, l’auteur de 24 ans pose dans Radical* un regard lucide sur la France et décomplexé sur le sexe. Explosif.

Gilles Chenaille

IL POURRAIT BIEN DYNAMITER LE PAYSAGE LITTÉRAIRE

Pas parce qu’il est DE LA RENTRÉE. jeune et beau et (très) talentueux. Cet auteur originaire de Seine-Saint-Denis et découvert par Lina Pinto, éditrice d’Albin Michel en charge du service des manuscrits, a quelque chose en plus: « En ouvrant ce texte, dès les premières pages, j’ai pris une claque. » Nous aussi. Et il a beau écrire que « la rentrée littéraire est devenue une farce grotesque », sa simple présence dans les parutions de la fin août contribuera à lui donner tort. Sa force réside dans ses ambiguïtés : « J’ai le cul entre deux chaises », nous avoue-t-il. Vivre en coloc à Saint-Denis tout en étant diplômé d’HEC (Sciences Po dans le texte), connaître parfaitement les codes de notre société à tendance néolibérale quand on en dénonce tous les travers, reconnaître une certaine ambition («J’assume mon côté Rastignac», nous dit-il encore) quand on pourfend les élites, coucher, comme Nicolas son narrateur, avec un garçon d’extrême droite (dans le roman : Harry, tendance nazillon soralien) quand on est du bord opposé et s’épanouir comme homo après avoir été hétéro – tout cela donne beaucoup de cordes à son arc et de flèches à sa plume. Résultat: un regard décomplexé sur le sexe, lucide sur la droitisation viriloïde et suprémaciste inondant YouTube et autres, et contaminant Nicolas jusque dans cette histoire toxique avec son beau facho. À propos de son look très maîtrisé dans des clips où il chante aussi, le jeune auteur commente: «Androgyne. J’aime Bowie et la mise en scène du corps. » Comme celle du sexe, poussée ici très loin. Radical, vous dit-on.

(*) Éd. Albin Michel, 19,90 €.