PRÉCIEUX TALISMANS
Grigris, amulettes, pierres énergétiques: le pouvoir de ces bijoux fascine et séduit dans un monde en quête de spiritualité et de protection. Par Louise Prothery
Au défilé Dior couture printemps-été 2020, l’artiste féministe américaine Judy Chicago parait les mannequins de plastrons, manchettes et boucles d’oreilles inspirés de l’Antiquité grecque. Ainsi muées en déesses, elles alliaient la délicatesse de leurs tenues à la puissance de ces accessoires, à la fois symboles et armures. Le reflet d’un phénomène qui voit les femmes prêter de plus en plus d’attention aux pouvoirs de leurs bijoux, et en particulier des pierres.
DES APPRIVOISEURS DE PEURS
Pour les découvrir, on peut notamment se rendre sur le site de la maison Messika qui propose, à l’occasion du lancement de sa collection de pendentifs Lucky Move Color, un test pour définir la gemme correspondant à son caractère et lire le mantra associé : « Soyez authentique » pour la malachite, « Soyez libre » pour la turquoise,
« Soyez audacieuse » pour la nacre grise. Certaines marques, comme la danoise Shamballa Jewels inspirée par les philosophies orientales depuis ses débuts en 2005, pensent leurs bijoux autour de messages implicitement délivrés par les symboles gravés et les matériaux choisis. Pour la créatrice Alexandra Abramczyk, installée à TelAviv, le point de départ est la couleur: « Je travaille les sept nuances qui correspondent aux chakras. Elles m’ont aidée à un moment difficile. Aujourd’hui, elles me donnent une énergie et une gaieté incroyables. Je porte aussi attention à l’arrière des bijoux dont je soigne les décors car je crois, comme les Indiens, que cette partie cachée destinée à l’âme est très importante. »
Dans un autre esprit, Samuel François, styliste de formation, a commencé à sculpter des bijoux en autodidacte, inspiré par les voyages qu’il fait en Italie et dont certaines images l’ont marqué comme des têtes de mort vues à Naples ou des sorts gravés sur des tablettes de plomb, ensuite jetées dans des fontaines, découvertes à Rome. « Je suis fasciné par le côté un peu vénéneux et magie noire de ces objets, par ces références à la mort à la fois effrayantes et théâtrales, confie le créateur. En faire des bijoux est peut-être une façon d’apprivoiser ces peurs.»
En Grèce, pays riche en tradition symbolique, la joaillière Lito Karakostanoglou, fondatrice de la marque qui porte son prénom, conçoit des bijoux «pour que les femmes se sentent bien dans leur peau », convaincue qu’ils contribuent à absorber les énergies négatives. La protection est au coeur de son travail et l’oeil est devenu un des motifs incontournables de ses collections. «Je les fais dessiner par un iconographe d’un village près de Moscou, spécialisé dans les icônes des églises orthodoxes. » Lorsqu’elle voyage, la créatrice em
porte toujours un dragon de jade transmis par sa mère qui lui assure d’arriver à bon port. Dans sa boutique d’Athènes, elle a remarqué que « les clientes vont naturellement vers une pierre sans réfléchir ni connaître son énergie mais s’exclament que c’est exactement ce dont elles ont besoin dès qu’on leur en explique les vertus». Cette connaissance fait l’objet d’une curiosité accrue ces dernières années. « En 2013, nous avons créé à la demande de nos élèves un cours baptisé “Amulettes et symboles précieux”, rapporte Inezita Gay-Ecke, professeure à l’École des arts joailliers fondée par Van Cleef & Arpels. Il y a une fascination pour ces bijoux talismans dont la variété est aussi grande que les cultures et les imaginations humaines. » Une qualité leur est cependant commune: l’efficacité de leurs pouvoirs dépend de l’importance et de la valeur qu’on leur confère, qu’il s’agisse d’un coquillage trouvé sur une plage, d’un lien de laine offert par une amie ou d’un pendentif en or transmis par sa grandmère. Les vertus qu’on leur attribue génèrent en nous des pensées positives, or « les scientifiques ont prouvé que ces pensées déclenchent la production d’endorphine et de sérotonine, connues comme des hormones de bien-être», poursuit Inezita Gay-Ecke.
DES SIGNES D’APPARTENANCE
Chez Van Cleef & Arpels, le merveilleux et la dimension magique sont ancrés dans l’identité de la marque. Son motif Alhambra, un trèfle à quatre feuilles stylisé dans les années 70, est devenu une icône. «Cette collection joue sur deux tableaux, note Nicolas Bos, le président de la maison. Elle est rassurante par son symbole, connu pour porter chance, et elle est personnelle car celles qui la portent se l’approprient par le choix de la matière: pierres, nacre, or, bois…»
Selon Dinah Sultan, du bureau de tendances Peclers Paris, porter des bijoux talismans est aussi une façon d’afficher une appartenance à une communauté, celle qui croit à une forme de sorcellerie moderne et, à travers elle, à un nouvel empowerment de la femme. « Les aficionado·as se retrouvent sur Instagram pour livrer leurs expériences, leurs connaissances sur le pouvoir des pierres et partager le nom des personnes à même de les recharger en énergie, indique-t-elle. Choisir un matériau ou un symbole en particulier est une façon de créer ses racines sans se raccrocher au passé familial ni à une religion.» Une spiritualité libre et personnelle à la portée de tou·tes.
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