Marie Claire

Avec Slalom, Charlène Favier réussit un premier film aussi sensible qu’engagé.

- Par Emily Barnett Photo Olivier Amsellem

DEPUIS #METOO, IL N’A JAMAIS ÉTÉ AUTANT QUESTION DE METTRE EN lumière des cas de viols et de harcèlemen­ts sexuels. Ce contexte a-t-il favorisé l’éclosion de Slalom ? «J’ai commencé à écrire cette histoire en 2014, c’est-à-dire à une époque où il y avait encore une omerta dans le monde du sport, explique Charlène Favier. Puis #MeToo a explosé. Cela m’a encouragée. J’ai compris que j’avais pris la bonne direction et que mon message était universel. » Le manque de représenta­tions sur les violences sexuelles, c’est bien ce que voulait combler Charlène Favier, autodidact­e revendiqué­e qui a découvert le cinéma presque par hasard. « Je viens de Bourg-enBresse, je n’ai pas fait d’études de cinéma, j’ai le sentiment de n’appartenir à aucun sérail. Je n’étais pas faite pour les études. » Une forme d’inadaptati­on qui, comme souvent, lui a apporté un surplus d’imaginatio­n, le goût de la débrouille et du voyage. C’est à un long séjour au sein d’une communauté hippie en Australie qu’elle doit sa rencontre avec les images : « J’ai pensé qu’il fallait absolument que je garde une trace de mon passage parmi ces gens qui voulaient sauver le monde. Alors je me suis procuré une caméra et je les ai filmés. » Le résultat est un documentai­re sélectionn­é au Figra (Festival internatio­nal du grand reportage d’actualité et du documentai­re de société), suivi de la création de sa propre société de production, à 23 ans. « Je me suis dit : je vais “faire” et on verra bien ce qui se passe.» Après avoir participé

à divers stages, elle parvient finalement à écrire dans le cadre d’un atelier de scénario de l’école de la Fémis ce parcours d’une jeune athlète soumise à l’emprise de son coach, à partir d’un vécu très personnel. Slalom raconte-t-il son histoire ? « Pas exactement, au sens où je n’ai jamais été abusée. Mais ayant moi-même été très sportive, j’ai connu des rapports très fusionnels avec certains adultes qui exercent parfois leur domination sur vous. » Et si grandir, comme le montre aussi ce récit initiatiqu­e, c’était justement s’affranchir du regard (et des attentes) des adultes ? « Oui. Moi, j’ai mis longtemps à dire non. Il faut apprendre à le faire.» Dire non pour imprimer sa patte à l’image, comme ces descentes à ski où le personnage principal, joué par la merveilleu­se Noée Abita, s’envole entre ivresse et vertige. Dire non pour rappeler qu’un prédateur, aussi complexe soit-il, n’en est pas moins un prédateur (le toujours impression­nant Jérémie Renier). « Je m’étais fixé une règle, rappelle la réalisatri­ce: filmer constammen­t du point de vue de Lise, mon héroïne. Le film est son espace mental. » Rendre humain son bourreau, c’est mieux expliquer son silence. Ainsi que l’omerta qui a longtemps régné dans le milieu opaque du sport de compétitio­n.

(*) Slalom de Charlène Favier, avec Noée Abita, Jérémie Renier, Axel Auriant, Muriel Combeau.

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Charlène Favier, à Marseille, le 30 septembre.

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