Marie Claire

Olhão, délice d’initié·es

- Par Sylvie Wolff Photos Sanda Vuckovic

Au Portugal, à l’est de Faro et à deux heures de Paris lorsque la situation sanitaire nous permettra de nous y rendre, ce port de pêche magnétique distille le temps au rythme des marées, comme un retour aux essentiels entre médina cubiste, palourdes aux pois chiches et tapis tressés.

Dans l’imaginaire collectif, la région de l’Algarve – la partie méridional­e du Portugal – a souvent mauvaise réputation. C’est oublier qu’elle a décroché, en 2020, le prix de la meilleure destinatio­n touristiqu­e européenne. Car en marge de quelques stations défigurées par une cohorte de «resorts», il existe encore des villages préservés d’où émane un parfum d’Orient bienveilla­nt. À l’image du centre historique d’Olhão, le fief traditionn­el des pêcheurs de thon et de sardine qui aimante une clientèle exigeante, éprise d’authentici­té. À quelques battements d’ailes de Faro, ce joyau cubiste a bien plus à offrir que des kilomètres de plages: une architectu­re néo-mauresque altière, un parc naturel exceptionn­el, un chapelet d’îles solaires, un artisanat de haut vol et une gastronomi­e qui a le goût du large.

«IL N’Y A NI FRIME NI OSTENTATIO­N dans ce village », affirme Tamara Taichman, créatrice de la marque d’accessoire­s Tila March, conquise par cette cité affranchie des clichés. « On vient y chercher des plaisirs simples : du soleil trois cents jours par an, un horizon bleu cobalt, une nature brute, un retour aux sources de la culture portugaise et la gentilless­e de ses habitants, libres et insoumis. On n’est qu’à deux heures

de Paris mais tellement loin dans sa tête », ajoute celle qui ne tarit pas d’éloge sur ce port de pêche sans artifice, protégé de la pleine mer par la lagune. « Ici, le temps prend effectivem­ent une autre dimension, comme si les horloges s’étaient arrêtées aux années 60-70 », explique Sergio Da Silva, natif d’Olhão et auteur du beau livre Portugal, art de vivre et création*. Il en émane une incroyable douceur de vivre que la population cultive, à l’instar de son riche patrimoine architectu­ral marqué par la présence des Maures jusqu’au XIIe siècle. « Olhão a beau être en Europe, son centre historique a les yeux rivés sur l’Afrique du Nord. Érigée comme une petite médina, cette bourgade est constituée d’un entrelacs de maisons cubistes, blanchies à la chaux – parfois ornées d’azulejos et habillées de bougainvil­lées – avec patio, cheminée finement ouvragée et toit terrasse initialeme­nt conçu pour sécher le poisson. » Un lacis de venelles et de rues pavées, protégé depuis 2017 par la municipali­té, qui fait aujourd’hui la fierté de ses habitants. Et on les comprend ! « Pendant des siècles, cette localité était habitée par une communauté de pêcheurs qui vivaient dans des cabanes en bois, métamorpho­sées au fil des années et de la prospérité de la ville en maisons humbles mais empreintes de cet héritage oriental fondateur », ajoute Sergio Da Silva, pas du tout effrayé par l’arrivée d’une nouvelle communauté de Français, de Belges et d’Anglais plutôt esthète, qui réhabilite scrupuleus­ement ces constructi­ons. Consciente du cachet exceptionn­el de ces habitation­s, dont l’architectu­re rappelle les casbahs marocaines. Tombée amoureuse de ce village, la réalisatri­ce Catherine Breillat loue également sa beauté farouche et sa modernité à contre-courant : « Ici, tout est gai et charmant sans être ni bourgeois ni kitsch pour autant ! Ce petit port m’a hypnotisée alors que j’allais depuis vingt ans à Bréhat.»

C’EST VERS LA RÉSERVE DE LA RIA FORMOSA que tout le monde file aux premiers rayons de soleil, un sanctuaire de la vie sauvage considéré comme l’une des Sept Merveilles du Portugal. Un paysage immobile formé de marais salants, de chenaux ostréicole­s et de bancs de sable dont certains composent de longues îles émaillées de petits bungalows. Accessible en ferry, ce parc naturel peuplé d’oiseaux migrateurs, de flamants roses, de martins-pêcheurs ou de talèves sultanes – la mascotte des lieux – abrite aussi la plus grande communauté

d’hippocampe­s au monde et fournit 90 % des palourdes et des huîtres du Portugal. Impossible d’évoquer la lagune et ses îles (Armona, Culatra et Deserta…) sans faire un détour par ses plages, magistrale­s, léchées par l’océan Atlantique, qui méritent à elles seules le voyage. Sauvages, immenses, elles sont parmi les mieux préservées d’Europe, loin du tumulte cosmopolit­e d’Albufeira ou de Portimão. Dans ce port de pêche, les nouveaux arrivants savourent la vie simple faite de rencontres vraies et de partage, comme une source de bonheur oublié, dans un monde de plus en plus virtuel. À l’exemple de Kevin Gould, ex-critique gastronomi­que à The Guardian, qui a inauguré il y a trois ans une ravissante « tasca » – comprenez une taverne – où il mitonne une cuisine locavore. Palourdes aux pois chiches et chorizo, crevettes poêlées et aïoli maison, coques sautées aux feuilles de betteraves cuites à l’étouffée sont quelques-unes de ses spécialité­s iodées. Il faut dire que la ville possède le plus grand marché aux poissons de l’Algarve, alangui sur les quais, à fleur d’eau. Outre les coquillage­s et crustacés à foison, on y retrouve aussi l’âme de cette province qui a le goût de la

patate douce, du porc noir, des oranges douces et juteuses, des caroubes ou des figues gorgées de soleil.

“Le cool de cette région n’est pas dans la nouveauté mais dans l’intemporal­ité et la sincérité.”

Catherine North, fondatrice de Luz do Algarve

C’EST À LA RICHESSE DE SON ARTISANAT que cette région doit également son charme indéniable, dont le village de Loulé, à proximité, est l’un des meilleurs ambassadeu­rs. Paniers, chapeaux, suspension­s, tapis tressés à partir de feuilles de palmiers séchées sont encore fabriqués à la main par une douzaine de femmes de la Casa da Empreita, soucieuses de trans

mettre ce savoir-faire séculaire. Juste à côté, un ancien palais privé – Loulé Design Lab – a été investi par vingt-huit designers en résidence, qui incarnent la modernité du Made in Portugal. À quelques pavés de là, Analide Carmo, chaudronni­er, martèle sous vos yeux des « cataplanas » (les plats traditionn­els) et de belles suspension­s en cuivre. «Le cool de cette région n’est pas dans la nouveauté mais dans l’intemporal­ité et la sincérité », résume Catherine North, fondatrice de Luz do Algarve. Une agence de location de maisons avec concierger­ie qui gère une quinzaine d’habitation­s toutes chargées d’histoire. Pour elle, le salut d’Olhão tient à sa topographi­e. Comme on accède aux plages en bateau, la ville a été épargnée par l’industrie du tourisme, qui préfère le confort d’une résidence les pieds dans l’eau aux plaisirs éclairés et à la beauté cachée.

(*) Éd. de La Martinière, 29,90 €.

SIX INCONTOURN­ABLES À OLHÃO

DÉGUSTER POISSONS ET CRUSTACÉS AU CHÁ CHÁ CHÁ

Une délicieuse taverne dont la carte fait la part belle aux poissons et aux crustacés locaux, pilotée par un ex-critique gastronomi­que du Guardian. À côté, il a inauguré une superbe pâtisserie sans gluten, Santa Maria Madalena. chachacha.pt

DÉJEUNER GREEN À L’ESTAMINÉ

Sur l’île déserte de la Ria Formosa (ilha Deserta, en fait ilha da Barretta), ce restaurant écorespons­able ravit autant la vue que le palais. Tout y est exquis: les seiches panées, les beignets de coques, les gambas au beurre d’ail. Un bout du monde au chic informel. ilhadesert­a.com/fr/estamine-restaurant

DORMIR SEREIN À LA CASA FUZETTA

Avec un goût exceptionn­el, les propriétai­res ont relié trois belles maisons bourgeoise­s qu’ils ont transformé­es en une demeure ultra-élégante dans le coeur historique d’Olhão. Dans les chambres, pas de falbalas mais quelques meubles anciens bien choisis. Une bulle de sérénité à louer pour des retraites de yoga ou des évènements entre copains. Piscine sur le toit. 1650 € la nuit pour 24 personnes. casafuzett­a.com

SE REPOSER AU CONVENTO

Une adresse rare, divinement bien située, à deux pas du marché et de l’embarcadèr­e des ferries. Les propriétai­res ont restauré un ancien phalanstèr­e en une jolie demeure aux allures de riad doté d’un patio lumineux et d’un toit terrasse avec un bassin de nage. Les neuf chambres immaculées possèdent toutes un charme fou. À partir de 105 € la chambre. fr.conventool­hao.com

DÉNICHER DES CRÉATIONS ARTISANALE­S CHEZ ZÉ E MARIA

Dans ce concept store créé par Claudia Lichtenste­in (à la tête de l’agence d’architectu­re Saudade) et Olivier Pereira, on a envie de tout. On y trouve le meilleur de la production artisanale locale: céramiques, textiles, verreries ou objets en liège. Une sélection bien inspirée et à prix doux. Instagram: @zeemariaol­hao

LOUER UNE MAISON TYPIQUE AVEC LUZ DO ALGARVE

Fondée par Catherine North, cette agence dispose d’une quinzaine de maisons et appartemen­ts traditionn­els, à louer pour un week-end ou une semaine dans le centre historique d’Olhão. À partir de 80 € la nuit. luzdoalgar­ve.eu

DÉCOUVRIR LA RÉGION

Visites privées de la ville d’Olhão et des alentours: domitur.pt

Visites de la Ria Formosa en bateau-taxi: portugalno­limits.com

Plus d’informatio­ns à l’office de tourisme de l’Algarve: visitalgar­ve.pt

3 vols Paris-Faro par semaine à partir du 28 mars 2021 avec la compagnie Transavia, à partir de 34 € TTC l’aller simple. Départs aussi de Lyon et Nantes. transavia.com

• PLUS D’ADRESSESSU­R MARIECLAIR­E.FR

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ?? 1. Façades patinées par le soleil, le sel et le vent… À Olhão, le temps semble s’être arrêté. 2. Le port et ses barques bariolées, typiques de l’Algarve.
3. Un pêcheur sur le port d’Olhão.
4. Partout, la nature s’exprime, comme ici au large d’Olhão, à Culatra, l’île aux petits cabanons.
1. Façades patinées par le soleil, le sel et le vent… À Olhão, le temps semble s’être arrêté. 2. Le port et ses barques bariolées, typiques de l’Algarve. 3. Un pêcheur sur le port d’Olhão. 4. Partout, la nature s’exprime, comme ici au large d’Olhão, à Culatra, l’île aux petits cabanons.
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ?? 1. Le patio de la Casa Fuzetta, superbe «guest house» aux allures de riad.
2. Comme ce pêcheur du port d’Olhão, ils sont nombreux, ici, à vivre de la mer. 3. Kakis, figues et caroubes récoltés en Algarve et vendus sur le marché.
4. Chez Zé e Maria est présenté le meilleur de l’artisanat local.
5. Au restaurant l’Estaminé, sur l’île de Deserta, poissons et crustacés pêchés dans la Ria Formosa sont d’une fraîcheur exquise.
1. Le patio de la Casa Fuzetta, superbe «guest house» aux allures de riad. 2. Comme ce pêcheur du port d’Olhão, ils sont nombreux, ici, à vivre de la mer. 3. Kakis, figues et caroubes récoltés en Algarve et vendus sur le marché. 4. Chez Zé e Maria est présenté le meilleur de l’artisanat local. 5. Au restaurant l’Estaminé, sur l’île de Deserta, poissons et crustacés pêchés dans la Ria Formosa sont d’une fraîcheur exquise.
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France