Marie Claire

“Les chaussures me donnent des ailes”

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EN QUOI LA MODE A-T-ELLE ÉTÉ UNE THÉRAPIE?

En 1995, à 24 ans, j’ai quitté ma ville, Sarajevo, alors en pleine guerre. Je suis arrivée à Paris. Je ne connaissai­s personne, ne savais rien faire d’autre que coudre. Avant de partir, j’étudiais l’économie mais ça ne m’intéressai­t pas. Je rêvais de faire une école de mode. Soutenue par la famille chez qui j’étais devenue fille au pair, j’ai fait le Studio Berçot. Au contact des brocarts et des paillettes, j’ai ressenti une immense bouffée d’air. C’était comme si je traversais le miroir et laissais ma solitude derrière moi. Tout devenait beau et féerique.

EN 2012, VOUS AVEZ CRÉÉ VOTRE MARQUE ÉPONYME. POURQUOI LES CHAUSSURES? Elles représente­nt un défi technique, mais ont aussi une forte charge symbolique: elles nous portent. Elles me donnent même des ailes!

UN VÊTEMENT OU UN ACCESSOIRE QUI SYMBOLISE VOTRE ÉVOLUTION ? Des escarpins noirs que j’ai emportés avec moi quand j’ai quitté Sarajevo. Je ne les ai jamais portés en France mais je les garderai toute ma vie. Ils me relient à ma vie d’avant.

OSERIEZ-VOUS DIRE QUE LA GUERRE FUT UNE CHANCE POUR VOUS? Je sais à quel point la guerre, c’est moche, mais oui, elle fut mon «merveilleu­x malheur», selon l’expression de Boris Cyrulnik. Sans elle, jamais, je ne serais devenue styliste. Elle m’a aidée à voir que la vie est belle et qu’il faut lui mettre des paillettes pour qu’elle le soit encore plus.

(*) gordana.fr

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