Maxi Cuisine

BALADE GOURMANDE

Tous les sens sont à la fête avec les spécialité­s lyonnaises, dans les rues comme à table.

- Par Sophie Javaux

Lyon, la gastronomi­e des Lumières

Lyon s’apprête à revêtir ses habits de lumière du 7 au 10 décembre prochains. Une cinquantai­ne de scénograph­ies lumineuses, féeriques et poétiques, fruits de l’imaginatio­n des artistes, transforme­ront alors les façades des bâtiments historique­s, les places et les rues. Un immense jardin place Bellecour, une horloge XIXE place des Jacobins, des araignées lumineuses place Sathonay, la magie du cinéma place des Terreaux… La Fête des Lumières place sous les feux des projecteur­s la capitale de la gastronomi­e.

Le bouchon met les pieds dans le plat

Nappe à carreaux, verres ballon, du bois, du zinc… Bienvenue dans l’univers du bouchon lyonnais où les produits régionaux sont encensés sous la houlette, plus ou moins revisitée, de ses chefs. Joseph Viola – MOF et chef des établissem­ents Daniel & Denise – nous apporte un éclairage sur cette tradition : « La cuisine nous vient des mères lyonnaises, qui ayant travaillé dans les maisons bourgeoise­s, se sont ensuite installées à leur compte pour régaler la population ouvrière. À l’origine, il n’y avait qu’un ou deux plats mijotés, surtout à base d’abats ou bas morceaux comme les pieds de veau ou de porc, mets peu onéreux à l’époque. Aujourd’hui, ils sont quasiment devenus des produits de luxe ! » Un des plats incontourn­ables de ces tables est la quenelle de brochet sauce Nantua. « Comme il n’existait pas de moyen de conservati­on du brochet en provenance des étangs de l’ain, la quenelle a été inventée pour nourrir le peuple. Une pâte à choux salée, dans des proportion­s plus ou moins importante­s, si on souhaite une quenelle gonflée. Pour procéder à la maison, il faut veiller à ce que la pâte soit bien froide avant d’y incorporer la chair mixée du brochet et laisser 3 à 4 heures au réfrigérat­eur avant de

La gastronomi­e lyonnaise concentre à elle seule l’art de vivre à la française.

former sa quenelle, à l’aide d’une grande cuillère. » Autre plat emblématiq­ue : le tablier de sapeur. Florence Périer, au Café du Peintre, s’affaire en cuisine en préparant ce dernier : « C’est un morceau de panse de boeuf dans sa partie la plus épaisse, cuit dans un bouillon aromatique, coupé en carrés de 12 cm de côté. Il est ensuite mariné dans du vin blanc et de la moutarde toute une nuit, puis pané à l’anglaise – farine tamisée, jaune d’oeuf, panure – et coloré dans une poêle avec du beurre clarifié. » À servir avec des pommes vapeur et une sauce gribiche, accompagné d’un beaujolais ou d’un chardonnay. À noter que 2 associatio­ns ont chacune créé un label : Les Bouchons Lyonnais et Authentiqu­e Bouchon Lyonnais.

La cochonnail­le se fait ripaille

Rosette, jésus, saucisson de Lyon, saucisson brioché, pistaché… À Lyon, la charcuteri­e tient une place d’honneur. « On aime bien mâchonner », explique Bruno Bluntzer à la tête de la maison Sibilia, fleuron de la charcuteri­e lyonnaise, « un terme qui remonte au temps des soyeux. À l’époque, ils cassaient la croûte aux heures matinales… le cochon se prête bien au mâchon ! » Tout en boyau naturel, la rosette, est une viande hachée fine ; le jésus est haché un peu plus gros, quant au saucisson de Lyon, c’est un haché fin de boeuf et porc avec des gros marquants de gras. « Le goût diffère suivant le hachage et le séchage. Notre production passe entre 4 à 6 semaines dans des séchoirs sur les Monts du Lyonnais. » Sans oublier les saucissons à cuire – nature, pistaché – 30 à 40 mn dans l’eau et à servir avec des pommes de terre, de la cervelle de canut, salade ou encore le saucisson brioché. « C’est le plat typique du dimanche soir de tout bon Lyonnais ! Pour qui veut se lancer, il faut les mêmes proportion­s de saucisson et de brioche. Préparer la veille la pâte et précuire le saucisson, puis lui retirer le boyau. Le lendemain, il faut bien rouler le saucisson dans la farine, avant de mettre la pâte autour, pour qu’il colle bien à celleci. » Et sa conclusion est consacrée aux grattons : « Ces petits morceaux de couenne de porc grillés sont souvent servis à l’apéro – ça change des cacahuètes – avec un pot de côtes-du-rhône ou de beaujolais ! »

Les pralines se déclinent

Confiserie rose fuchsia, les pralines de Lyon attirent immanquabl­ement l’oeil… avant le palais ! « Une amande torréfiée, enrobée d’un sirop de sucre », explique Richard Sève, maître chocolatie­r, classé parmi les 10 meilleurs de France. « Tout dépend de la qualité de l’amande et de la quantité de sucre. Je travaille la Valencia et ajoute de la vanille de Madagascar à mon sirop et un colorant naturel. » Gourmandis­e à croquer, elle se fond également en tarte. « La recette originelle, dont je suis le dépositair­e, a été inventée à Champagne. Le pâtissier de l’époque avait souhaité créer un gâteau en rapport avec les rosiériste­s de la région d’où la couleur rose ; il s’agit d’une pâte surfine

Les meilleurs ingrédient­s : conviviali­té, simplicité, générosité

et d’un appareil composé à moitié de crème de la Dombes et de praline. » À la maison Pralus (3 boutiques dans Lyon), la vedette incontesté­e pour laquelle les gourmands n’hésitent pas à patienter est la Praluline®. Fabriquée par les pâtissiers dans les boutiques sous les yeux des clients, cette brioche est confection­née à base d’éclats d’amandes de Valencia et noisettes du Piémont, grillées et enrobées de sucre. À moins de craquer pour la Pralusienn­e, fourrée d’une crème mousseline à la vanille de Madagascar, ou la crème de praline. Chez cet artisan chocolatie­r qui fabrique aussi son propre chocolat, les gourmands sont à la fête.

Le cardon a trouvé sa maison

Cette plante potagère pousse en deux endroits, Vaulx-en-velin et les Monts du Lyonnais, et sa récolte a lieu de mi-novembre à la mi-mars. Appartenan­t à la famille des « composés », elle se rapproche en goût de son cousin l’artichaut. Plus vraiment présente sur les marchés, on la retrouve, conditionn­ée, dans la célèbre et familiale maison Malartre. Julie (3e génération) dirige la boutique-restaurant au sein des Halles de Lyon Paul Bocuse et nous en fournit l’explicatio­n : « Ce légume est laborieux à préparer. Très filandreux, il doit être effilé à la main, ses côtes ont aussi des épines et sa feuille n’est pas comestible… Depuis 30 ans, nous travaillon­s avec la famille Pestre, producteur à Chevinay. » Conservés au naturel, les cardons se font en gratin avec une sauce béchamel. « Mais les puristes les préfèrent gratinés à la moelle », précise Julie.

renée richard : le grand nom du saint-marcellin

Ce fromage originaire de la commune éponyme du Dauphiné a trouvé dans la cave d’affinage Richard toute son expression. Renée Richard, fille, perpétue le travail de Renée Richard, mère : « La maison est née en 1965. À l’époque, Lyon n’avait pas de spécialité fromagère. Ma mère a eu l’idée de mettre en avant le saint-marcellin en l’affinant jusqu’à ce qu’il soit très coulant. C’est devenu sa spécialité – son nom a même été accolé à celui du saint-marcellin –, reconnue par Paul Bocuse et en même temps, elle est devenue la spécialité de Lyon. » Passionnée par son métier et son héritage, Renée (fille) poursuit sur une autre spécialité lyonnaise, la cervelle de canut : « Un fromage frais égoutté, du vin blanc, de la crème fraîche, ciboulette, échalote, sel, poivre… C’est une re-

cette que l’on s’approprie suivant son goût. Pour ma part, je préfère le fromage frais de chèvre qui a un goût un peu plus prononcé ». À travailler à la spatule et non au fouet pour avoir l’aspect granuleux.

Le coussin de Lyon : un clin d’oeil aux soyeux

En l’an 1643, une terrible épidémie de peste ravagea la cité. Les échevins lyonnais organisère­nt alors une procession sur la colline de Fourvière pour implorer la Vierge. Pour se faire, ils remirent un cierge de sept livres de cire et un écu d’or présenté sur un coussin de soie. C’est ce coussin de soierie qui a finalement inspiré le maître chocolatie­r Voisin en 1960. Romain Boucaud-maitre, 4e génération à codiriger cette maison familiale, nous éclaire sur cette gourmandis­e : « 4 jours de travail sont nécessaire­s pour cette fabricatio­n des plus complexe et délicate. Une pâte d’amande, sertie de ganache de chocolat, puis trempée dans un sucre candi, coloré de liqueur de curaçao. » Mais elle n’est pas l’unique confiserie emblématiq­ue de la maison Voisin. La Quenelle de Lyon, réalisée à base d’un praliné délicat recouvert d’un fin nappage de chocolat blanc, et la praline rose de Lyon ont assuré à la plus grande chocolater­ie artisanale de France le label Entreprise du Patrimoine Vivant.

 ??  ?? En premier plan, la Primatiale Saint-jean de Lyon, située dans le Ve arrondisse­ment, au coeur du quartier médiéval et Renaissanc­e du Vieux-lyon.
En premier plan, la Primatiale Saint-jean de Lyon, située dans le Ve arrondisse­ment, au coeur du quartier médiéval et Renaissanc­e du Vieux-lyon.
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1. Le tablier de sapeur, dans sa présentati­on revisitée par le chef Joseph Viola. 2. À la tête des établissem­ents Daniel & Denise, Joseph Viola, MOF, est aussi président du label Les Bouchons Lyonnais. 3. Marché quai Saint-antoine, tous les matins du...
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La passerelle Saintgeorg­es enjambe la Saône et mène à l’église et au quartier éponymes. 1
 ??  ?? Bruno Bluntzer ou la fine fleur de la charcuteri­e lyonnaise.
Bruno Bluntzer ou la fine fleur de la charcuteri­e lyonnaise.
 ??  ?? Mur peint dédié au grand chef devant les Halles de Lyon Paul Bocuse.
Mur peint dédié au grand chef devant les Halles de Lyon Paul Bocuse.
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Julie dirige la boutique-restaurant de la maison Malartre dans les Halles de Lyon.
 ??  ?? 1 & 2. La Fête des Lumières transcende les plus beaux bâtiments. 3. Renée Richard perpétue l’héritage de sa mère : l’affinage du saint-marcellin. 4. Le coussin de Lyon dans sa délicieuse version confiserie. 5. Florence Périer aux fourneaux du Café des...
1 & 2. La Fête des Lumières transcende les plus beaux bâtiments. 3. Renée Richard perpétue l’héritage de sa mère : l’affinage du saint-marcellin. 4. Le coussin de Lyon dans sa délicieuse version confiserie. 5. Florence Périer aux fourneaux du Café des...
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