Marseille
et ses trésors gourmands
Entre les collines d’un côté et la Méditerranée de l’autre, Marseille déploie sa bonne humeur, sous la domination bienveillante de la Bonne Mère. La cité a pris un nouvel élan depuis qu’elle a été consacrée Capitale européenne de la culture en 2013. En témoignent, le quartier Euroméditerranée, situé au nord du Vieux-port, et ses deux réalisations architecturales époustouflantes, le MUCEM et la Villa Méditerranée. Mais que les aficionados se rassurent : Marseille se vit toujours « avé l’accent ». Du Vieux-port au quartier de Noailles, du Panier à l’estaque, la cité radieuse a conservé son âme, le verbe haut et fort, et la bouillabaisse fait encore recette. Le petit monde de Marcel Pagnol est toujours vivant, ses descendants n’ont fait que lui donner une nouvelle impulsion…
Il était une petite navette
D’un côté le « ferry boate » pour traverser le port, de l’autre la navette pour… se régaler. Son port d’attache se situe aux Accoules, un quartier de la rive nord du Vieux-port. Aux Navettes des Accoules, José Orsoni fabrique, chaque jour depuis 13 ans, ce traditionnel biscuit marseillais. Son nom évoque pour les Provençaux, la barque miraculée « la Nave » qui aurait amené sur nos côtes Marie-madeleine, MarieSalomé, Marthe et Lazare, depuis la Terre Sainte. Nadine Landry, la responsable de la boutique, nous apporte un éclairage sur ce biscuit : « Il est confectionné sans levure, à base de farine, sucre, beurre, oeuf et, c’est obligatoire, de la fleur d’oranger. Sinon, il n’est pas de Marseille ! » Autrefois biscuit de marin, car il se conserve toute une année dans un endroit sec, il régale des générations de Marseillais à toute heure de la journée. Nadine de préciser : « La navette n’est pas dure, elle est ferme. Si elle est dure, c’est qu’elle est vieille. Passez-la alors au four, 30 secondes, à 150 °C pour qu’elle retrouve son croquant d’origine. » Désormais, ils ne sont plus que deux – avec le Four des Navettes – à fabriquer traditionnellement ce biscuit qui sera béni selon la coutume. Si pour le Four des Navettes, la bénédiction se déroule le jour de la Chandeleur, pour Les Navettes des Accoules, elle se fait deux fois dans l’année : à la Saint-jean et le vendredi qui précède Noël, avec une procession et la distribution gratuite de navettes. À bon entendeur…
les panisses ont la frite
Importées à Marseille par les ouvriers italiens qui travaillaient aux usines de soufre
de l’estaque, les panisses se préparaient, jusqu’à présent, dans ce quartier. Jeannine Rugi, aux commandes de la Boîte à Panisse, rectifie : « Depuis 2 à 3 ans, de nombreux restaurants les proposent. Il faut dire que la farine de pois chiche est sans gluten, ça correspond au goût du jour ! » Cette farine est travaillée à la base comme une polenta : de l’eau, de l’huile d’olive et du sel, portés à ébullition. La farine de pois chiche y est ensuite incorporée au fouet. Puis la préparation est placée dans un moule pour refroidir à température ambiante. Elle est alors coupée en bâtonnets et ces derniers passés 3 à 4 mn dans l’huile de friture. « À Marseille, les panisses remplacent les frites ! Elles sont d’ailleurs, dans la rue, vendues dans un cornet. À la Boîte à Panisse, notre plat phare est le « fishe & shipe » marseillais : merlan, panisses et aïoli ! » Et pour plus de fantaisie, sachez qu’au moment de placer la préparation dans le moule, vous pouvez l’agrémenter de cèpes, de lardons ou d’anis.
la piz se conçoit moitié-moitié
La pizza, importée elle aussi par les Italiens, a trouvé rapidement à Marseille son public. À l’époque, elle se déclinait sous deux formes : ail, tomates/anchois ou ail, tomates/fromage (de l’emmental, faute de mozzarella). Sauveur Di Paola créa en 1943 un restaurant, plus proche de la cantine populaire, où se servaient ces deux pizzas. Devant l’hésitation récurrente de sa clientèle face à ce choix manichéen, il a eu l’idée de créer sa spécialité : la moitié-moitié. Vous l’aurez compris moitié anchois, moitié fromage. Et si Sauveur n’est plus, sa spécialité demeure ainsi