« La montagne est un réservoir à plantes aromatiques »
Maurice Tardieu
se déroule de mars à avril. La méthode consiste à percer l’arbre pendant la montée de sève à l’aide d’une canule pour récupérer chaque jour le précieux liquide durant 6 à 8 semaines.
Les eurs régalent les papilles
Maurice Tardieu produit des tisanes à partir des eurs et de plantes de montagne, dans sa petite exploitation de Champoléon. Avec Sylvie, sa femme, ils cultivent hysope, cassis, mélisse, angélique… et, dans les montagnes, cueillent millepertuis, gentiane, serpolet… « Les plantes doivent être séchées
72 Maxi Cuisine dans un courant d’air et dans l’obscurité car la lumière leur fait perdre une partie de leurs propriétés. La durée du séchage est variable selon la qualité de l’air. Quand la tige dans sa partie la plus épaisse casse, on est bon ! », explique Maurice. Stockées dans des containers aérés, toujours dans l’obscurité, elles sont sorties à la demande.
Pour Stéphane Bertrand-pellisson, chef du restaurant Les Gardettes, les
eurs étaient déjà un plaisir visuel dans l’assiette, mais cela ne suf sait pas : « Je cherchais à détourner les plantes de l’alcool. Le génépi m’a beaucoup inspiré. Je voulais le travailler en con ture. Les 60 % de sucre apportés à l’infusion de la plante ne donnent qu’un sirop, il faut donc ajouter de la pectine pour géli er ou de l’agar-agar. » À goûter sur une tartine, pour sucrer une infusion… Stéphane la propose même en accompagnement des ravioles du Champsaur. À partir de
là, le chef est retourné au monde sauvage : eurs de mélèze, sureau, pétales de roses, primevères deviennent sorbet ou con ture (Délices des eurs), entre ses mains. « En cuisine, la saveur des
eurs est trop légère. Mais une petite astuce, quand même : cueillez l’ombelle
du sureau (tige avec la rami cation de la
eur), il y en a partout en France et c’est une eur qui a pas mal de goût. Trempez les eurs dans une pâte à beignets, puis dans la friture, en tenant la tige. Ou bien placez les eurs sur un fond de tarte cuite au préalable à blanc, repassez au four avec un peu de miel et accommodez d’une compote de pomme. »
À chaque vallée sa spécialité
Spécialité culinaire de la vallée du Champsaur, le tourton était autrefois servi à Noël. On l’appelait également « coussin du Petit Jésus ». Puis il fait of ce de repas pour les travaux des champs, car ce coussinet de pâte très ne, frit et fourré avec une purée de pomme de terre, fromage, poireau ou oignon est facile à emporter. Jean-louis Pellegrin
74 Maxi Cuisine lui a redonné ses lettres de noblesse : « Quand je me suis lancé en 1985, il n’y avait plus que deux ou trois restaurants dans la vallée qui le proposaient. J’ai commencé avec une poêle dans la cuisine de ma mère pour les vendre au marché. Aujourd’hui, mon établissement en fabrique 50 000 à 55 000 par jour, dans une quinzaine de parfums salés et sucrés ». À l’origine, les tourtons sucrés étaient fourrés de pruneau. Jean-louis Pellegrin les garnit de myrtilles, framboises, pommes, crème de marron… Le tourton se congèle. Le salé se réchauffe 10 minutes au four à 120 °C, ou dans une poêle à sec et à couvert. Le sucré se mange à température ambiante. Sur sa lancée, il cuisine aussi les ravioles de Champsaur (purée, fromage, oeuf, ail, le tout mélangé à la farine, roulé en bâtonnets et frits) et les « oreilles d’âne ». Pour ces dernières, Claude Gueydan, de l’hôtel-restaurant Le Val des Sources, nous apporte ses lumières : « C’est un plat spéci que du Valgaudemar, lié à notre vie pastorale. La tétragone, entre l’oseille et l’épinard, pousse en alpage. Les gamins étaient envoyés les cueillir et la formule consacrée était alors : des feuilles de la taille d’une oreille d’âne sinon, elles sont trop amères ! » De nos jours, les plantes de culture ont pris le relais : épinards, blette, oseille, auxquels s’ajoutent noix de muscade et laurier pour redonner un goût sauvage. Mélangées à de la tomme fraîche et liées par une béchamel, elles garnissent une pâte fraîche, fermée en chausson comme une raviole. Une fois pochées, elles sont gratinées au four avec du fromage (tomme ou caillé lactique) et de la crème.
Des mets liés à la vie pastorale