ESCAPADE GOURMANDE
Entre châteaux, forêts domaniales et berges du fleuve, qu’il est doux de séjourner aux abords de la Loire. Pour les amateurs de nature, d’histoire et de belle gastronomie, c’est la région rêvée.
De Blois à Chinon, parenthèse enchantée en bord de Loire
Un fleuve nourricier, des forêts giboyeuses, des arpents de vigne, pas étonnant que les rois de France aient fait de cette nature généreuse leur domaine de prédilection. Leurs châteaux et parcs, fleurons de la Renaissance, sont l’un des premiers attraits de la région. De même que Tours, Orléans, Blois, Chinon, qui se sont développés autour de ces édifices, symboles d’un certain art de vivre à la française. Une échappée royale « car tel est notre plaisir », pour reprendre les termes de François Ier…
Il était une fois, une Histoire d’oies
Arriver dans cette ferme, près de Saintemaure-de-touraine, c’est pénétrer dans un véritable tableau champêtre. Les canards pataugent dans la mare, les oies déambulent, en ordre serré, de la cour au jardin. Ce qui ne perturbe en rien les poules qui picorent le sol – un terrain certifié bio. Jean-françois Garnier et Christine Boisquillon sont les heureux propriétaires de la ferme Histoire d’oies, où s’épanouissent, en toute liberté, des races anciennes. Jean-françois nous fournit quelques explications, plus précisément sur la géline de Touraine : « C’est une poule noire, à belle crête et barbillons rouges. Elle est exclusivement élevée en plein air, pour conserver sa rusticité. Elle a besoin de se percher dans les arbres pour dormir. Elle se rapproche du gibier, sa viande est ferme et tient à l’os. » Sa femme acquiesce : « Dans l’esprit des gens, d’ailleurs, c’est une volaille festive, de fin d’année. Elle est entre la pintade et le faisan. » La recette traditionnelle est la géline à la lochoise. Les morceaux, revenus dans du vin blanc sec, sont placés sur un lit de légumes anciens – topinambours, rutabagas, panais, céleris… – dans une cocotte, 45 mn. On y ajoute des champignons de saison et la sauce est allongée avec de la crème fraîche. « Mais on peut tout à fait jouer avec la recette en faisant infuser du safran dans la crème ou en réhydratant des poires tapées dans le vin blanc ! », ajoute Christine.
Les Vergers de la Manse, le bon goût de l’artisanat
Laetitia et son mari, Bastien Debruyn, exploitent 15 hectares de verger, avec,
entre autres, 15 variétés de pommes et 3 de poires. À eux seuls, ils réalisent 420 000 à 430 000 litres de jus dans l’année. Un quart sera vendu dans leur boutique, le restant ira à des prestataires car les commandes sont nombreuses, Bastien étant un véritable alchimiste du jus. « Quand on réceptionne un fruit, on teste sa qualité, son taux d’acidité. Si une poire est avancée, le jus sera moins bon. Alors, on met de la pomme pour contrebalancer. Tout est question de réflexion et d’essai », indique Bastien. Dans son laboratoire, il joue les chercheurs, mariant la pomme avec le cassis, la framboise, le coing ou le kiwi. Il n’hésite pas à la transcender avec du gingembre ou de la cannelle. Pour un simple jus de pomme, il mélange ses fruits, comme la granny acidulée avec de la golden plus sucrée. Il a même conçu un jus pétillant, entre le cidre et le jus naturel. Si leurs jus sont médaillés d’or quasiment chaque année depuis 2010,
Laetitia l’explique en partie : « Ce sont nos pommes, nous connaissons leur traçabilité ! Nous avons une gamme de produits artisanaux aussi variée que les industriels, mais avec cette contrainte que nous travaillons avec les saisons. » Les fruits non utilisés pour le jus seront transformés en vinaigres 100 % fruits, gelées, compotes, confitures…
Le nougat de Tours, sacré à Chinon
Tarte de pâte sucrée avec une marmelade d’abricots, des fruits confits macérés au kirsch, recouverts d’une macaronade (poudre d’amande, blanc d’oeuf et sucre), telle est la spécialité de la région entre Tours, Chinon, Amboise et Loches, relancée dans les années 1980. À la boulangerie-pâtisserie La Tour de l’horloge, Martine Boireau et son mari, James, aidés de leur chef pâtissier, Adrien, et de son second, Clément, ont obtenu, cette année, la médaille d’or décernée par la Confrérie gourmande du véritable nougat de Tours et autres pourlècheries tourangelles. « C’est un gâteau de voyage, qui se conserve 15 jours à température ambiante. Le mieux est de le recouvrir à chaque fois de film alimentaire pour qu’il ne sèche pas », indique Martine. Le succès de ce gâteau, comme de leur création maison, le coing de la vigne (pâte de croissant tapissée de caramel et coing confit dans le rosé de Chinon, graines de courges caramélisées), s’explique simplement pour James : « Nous fabriquons tout nous-mêmes, c’est important… Tout comme la matière première, qui se doit d’être de qualité. Par exemple, mon lait est livré directement de la ferme, ça fait toute la différence dans une crème ou un flan ! »
Le sainte-maure-detouraine, un chèvre de légende
Gatien Laurent est à la tête de la fromagerie Le Vazereau et d’un troupeau de 400 chèvres élevées en pâturage. À partir de leur lait, il fabrique le sainte-maure. De forme légèrement tronconique, le fromage, après avoir été égoutté 48 h, passe au salage, un mélange de sel et de cendre végétale dans lequel il est roulé. « Les anciens le roulaient dans la cendre de la cheminée, ce qui avait un effet protecteur », raconte-t-il. Une paille est glissée au centre, dans la longueur, avec le numéro d’identification et le nom du producteur.
« Elle sert de tuteur au sainte-maure. » Il faudra à ce fromage disposant d’une AOP un minimum de 10 jours d’affinage. « On a une évolution des fromages secs (20 à 40 jours d’affinage) intéressante à valoriser. À l’apéro, c’est délicieux. À 60 jours, on l’utilise râpé sur des pâtes, il est alors presque aussi fort que du vieux parmesan ! » Quant au demi-sec (10 à 20 jours d’affinage), il est idéal avec du poivre de Madagascar ou pour une tartine de chèvre chaud, à accompagner d’un vin blanc, vouvray ou montlouis. Et Gatien de préciser : « Selon la légende, il faut le commencer par le gros bout, sinon la chèvre dont le lait a donné le fromage sera tarie ! »
La poire tapée, de nouveau dans nos cuisines
La production de poires tapées a fait les beaux jours de Rivarennes jusque dans les années 1930. Christine Hérin a eu l’idée de la relancer sur son site troglodyte. Les poires, installées sur des claies, passées au four durant cinq jours, se déshydratent
Les fruits des vergers tourangeaux ont toujours agrémenté les meilleures tables françaises.
lentement. « Il n’y a plus d’eau dans le fruit, explique Christine Hérin, mais de l’air. On va donc taper les fruits pour le chasser. À partir de là, on a une poire qui peut se conserver des mois, voire des années. » Un procédé, à l’origine, qui permettait le commerce sur la Loire. « Elle peut se consommer telle quelle car le fruit a conservé toutes ses valeurs énergétiques. Mais les gens d’ici la réhydratent, le plus traditionnellement dans du gamay de Touraine, avec du sucre et de la cannelle. Cela n’a rien à voir avec une poire pochée car cette dernière aura conservé de l’eau. » Les poires tapées peuvent aussi se concevoir dans un mets salé. « Je les réhydrate avec le vin qui va faire mon plat. La passe-crassane est idéale avec la viande rouge, la williams accompagne le foie gras, la comice, une viande blanche ou du poisson. » Et comme la volonté de Christine est de pérenniser un vrai produit du terroir, elle a acheté son propre verger : « Désormais, je connais la provenance de mes fruits ! »
La Bourriche aux appétits, l’art de la terrine
Cette entreprise artisanale et familiale, créée en 1994, est spécialisée dans la conserve du poisson de Loire et du gibier de Sologne. À sa tête, Julien Quesneau, pêcheur en Loire, et sa maman, Murielle. « Je vais à la pêche de mi-février à fin juin, au moins quatre jours par semaine. J’ai sorti l’équivalent de 5 à 6 tonnes de poissons cette année. Mais ma priorité, c’est la transformation. » Et Julien ne manque pas de créativité dans ses recettes : terrine de silure aux tomates confites, rillettes de chevesne au basilic et citron, rillettes d’aspe au pesto de roquette… « Les ingrédients complémentaires ne sont pas forcément locaux, je travaille, par exemple, avec les épices de Terre Exotique. Ma priorité est de faire du bon ! » Et c’est donc naturellement qu’il s’est tourné vers le gibier de Sologne. Faisan sauvage aux girolles ou sauté de cerf aux trompettes ne sont que quelques exemples de son savoir-faire.