BALADE GOURMANDE
Incontournable des fêtes de Noël en Provence, le calisson séduit les gourmands avec son bon goût d’amandes et de fruits confits. Pour percer les secrets de cette confiserie, direction Aix-en-provence, ville dont elle fait la fierté.
Le calisson d’aix, petit trésor provençal
Ç a pèse une dizaine de grammes, tient dans la paume de la main et représente à lui seul l’emblème gastronomique d’aix-en-provence, où il est bien plus qu’une simple confiserie. Le calisson est le témoin de l’art de vivre provençal, qu’il révèle en une seule bouchée grâce à sa recette ancestrale : l’entame craquante de la glace royale qui laisse place à un onctueux mélange alliant la fraîcheur du melon confit à la délicatesse d’amandes finement broyées, auxquels viennent parfois s’ajouter quelques notes d’agrumes. En guise de conclusion, le lit d’hostie apporte sa dose de douceur. Pagnol en était un grand amateur et définissait le calisson comme un mélange de quatre tiers : « Un tiers d’amandes, un tiers de fruits confits, un tiers de sucre, et surtout un tiers de savoir-faire et d’amour du travail bien fait. » Pour saisir l’importance du calisson dans la tradition aixoise, il faut assister, le premier week-end de septembre, à la fête qui lui est consacrée. À cette occasion, il reçoit sa bénédiction annuelle, une tradition qui remonte à 1630, date à laquelle Aix-en-provence subissait la peste de plein fouet. Au cours d’un des offices d’action de grâce dédiés à la Vierge de la Seds, les calissons furent bénis et distribués au peuple. À la fin de l’épidémie, l’idée qu’ils protégeaient de la peste resta ancrée.
De la Perse à la Provence
L’histoire du calisson serait cependant bien plus lointaine. Ces petites douceurs en forme de losange trouveraient leurs racines dans la Perse sassanide au milieu du VIE siècle. À cette époque-là, les pâtissiers locaux, qui raffolent de la pâte d’amandes, mettent au point un canapé en forme de triangle ou losange, nappé de pâte d’amandes et arrosé de sirop. Cet ancêtre du calisson porte le nom de « lawzinag », terme à l’origine de « losange ». Des traces de cette confiserie sont ensuite retrouvées en Italie, dans des traités de diététique traduits en latin datant du XIE et du XIIIE siècle. Au fil du temps, la recette se précise. Au XV siècle, Maestro Martino écrit dans son « Libro de arte coquinaria » une recette où du massepain est couché sur
des « nevole » (« nieules » en vieux français, soit du pain azyme) puis cuit au four. En 1555, Nostradamus écrit à propos de cette recette dans son « Traité des confitures » : « Vous en ferez de petits tourteaulx ou de petites tartelettes toutes rondes étendues sur des oublies (“nieules”) et pourrez faire de petites quadratures en cette forme sur lesdites oublies. » Avec lui, le calisson fait alors son entrée en Provence. Et Aix-en-provence, qui a longtemps abrité la bourse aux fruits secs dans laquelle les amandes avaient une place prépondérante, est naturellement choisie comme leur « capitale ». Selon la légende, c’est à l’occasion du mariage du roi René avec Jeanne de Laval en 1454 que le confiseur du roi « inventa » cette douceur pour la future reine, réputée peu gracieuse. En la goûtant à la fin du repas de noces, son visage se serait éclairé d’un sourire, donnant ainsi sa forme au calisson que nous connaissons aujourd’hui.
Savoir-faire ancestral
Dénicher des calissons à Aix est plutôt chose aisée. Les ruelles de la vieille ville et des faubourgs regorgent de boutiques où des artisans perpétuent ce savoir-faire. Une petite quinzaine de calissoniers sont regroupés autour de l’union des fabricants du calisson d’aix, le syndicat professionnel garantissant le respect
d’une recette ancestrale grâce à un cahier des charges précis. Ainsi, un véritable calisson d’aix est fabriqué avec des amandes produites dans le bassin méditerranéen et du melon de Provence. Cet approvisionnement est cher à la confiserie du Roy René, qui a lancé depuis quatre ans un plan de culture des amandiers de Provence. L’objectif : replanter 1 000 hectares et profiter ainsi d’amandes locales pour confectionner les fameux calissons. Bientôt centenaire, l’entreprise reste très attachée à la tradition tout en apportant à ses petites douceurs une touche bien personnelle.
« Chaque calissonier a son secret de fabrication.
Le nôtre est l’utilisation d’écorces d’oranges confites pour confectionner la pâte », révèle Laure Pierrisnard, directrice générale du Roy René. Pour le reste, la fabrication des calissons est assez proche du savoir-faire originel. Réalisée avec un mélange d’amandes, de melons et d’oranges confits, la pâte est broyée, puis du sirop de sucre y est ajouté à chaud. Après trois jours de repos, l’étape du façonnage, la plus critique, est réalisée en duo par deux calissonières, selon la tradition provençale. La première est chargée de déposer une feuille d’hostie sur laquelle vont venir se positionner les moules, ensuite remplis de pâte.
Le calisson prend forme
Après un premier lissage, un pochoir métallique est apposé sur chaque calisson afin de le recouvrir de glace royale, mélange de blanc d’oeuf et de sucre, elle aussi lissée. La deuxième calissonière récupère ensuite les calissons à l’aide de deux peignes et les passe quelques minutes au four afin d’apporter tout son croquant à la glace royale. Quelques heures de repos plus tard, les calissons sont mis en boîte, prêts à être dégustés par tous les gourmands. Ces gestes précis peuvent s’observer lors d’une visite du musée du calisson logé au sein de la fabrique du Roy René. Une plongée sucrée et gourmande dont on repart avec des souvenirs plein la tête… et des calissons plein les poches.
De nouvelles recettes
Très associés aux fêtes de fin d’année – les calissons font partie des fameux 13 desserts de Provence –, les emblèmes de la confiserie aixoise peuvent cependant être dégustés toute l’année. Pour les aider à se faire une place chaque saison, Le Roy René imagine de nouveaux parfums : « Pour l’été, nous avons réalisé des calissons citron vert et menthe avec un goût bien frais. Dans un autre registre, nous en avons élaboré aussi avec du cassis noir de Bourgogne », détaille Laure Pierrisnard. Framboise et thé matcha, châtaigne-vanille ou chocolat-noisettes font partie des autres calissons d’exception proposés par la maison.
En version vegan
Dans sa boutique, Philippe Segond, Meilleur Ouvrier de France pâtissier-confiseur, propose depuis quelques mois des calissons vegan dans lesquels le glaçage est réalisé avec une décoction de pois chiches. « Je partage de plus en plus la philosophie vegan et j’ai eu envie de penser à ceux qui suivent ce régime alimentaire. Beaucoup me remercient d’ailleurs pour cette réalisation, et le produit attire la curiosité de personnes qui veulent savoir s’il y a une différence avec le calisson classique. » Verdict : en bouche, il n’y en a aucune. La seule distinction est visuelle puisque les calissons vegan sont recouverts de romarin cueilli sur les collines provençales et réduit en poudre. La preuve que, même après des siècles d’existence, le calisson sait évoluer pour toujours rester au goût du jour.