ESCAPADE GOURMANDE
Un littoral azur, des stations mythiques et un superbe arrière-pays… tous les plaisirs de l’été se prolongent en arrière-saison.
Le Var, sous le soleil exactement
Saint-tropez et son célèbre village, Sainte-maxime sa voisine, Cavalaire-sur-mer et sa plage de sable, Le Lavandou… ces noms familiers, voire célèbres, évoquent bien souvent la folie estivale. Loin de la foule, la Dracénie et la Provence Verte déclinent un arrière-pays tranquille avec des villages authentiques, perchés pour certains comme Bargemon, Callas, Châteaudouble. La vie s’y écoule paisiblement, ponctuée par le gazouillis des fontaines au centre des placettes, bordées de platanes et de maisons en pierre de pays. Pour ceux qui cherchent une pause rafraîchissante, les gorges du Verdon, d’une beauté spectaculaire, sont à deux pas. Il n’y a plus qu’à se laisser aller à quelques plaisirs simples issus de cette terre gorgée de soleil.
La Provence mise en boîte
Thym, romarin, origan, sarriette, laurier, sauge, fenouil. Élodie Truc égrène les plantes aromatiques qu’elle cultive : « Tout ce qui pousse naturellement en Provence ! » Depuis 2016, elle a repris l’exploitation de ses parents, qui travaillaient déjà le thym et le romarin pour les grossistes. « Je n’ai pas voulu que l’on revende
une fois mon père parti à la retraite, car je suis très attachée à cette terre. Cela dit, j’ai souhaité fonctionner différemment, au plus près du consommateur, en limitant les intervenants, avec plus de reconnaissance de mon travail. » Quatre hectares en bio, avec des récoltes qui s’échelonnent de septembre à avril pour le thym, et de juin à août pour les autres plantes. Si l’été elles sèchent naturellement en trois à quatre jours, il faut, en hiver, une journée avec une ventilation entre 28 °C et 30 °C pour conserver la couleur et les qualités gustatives des herbes. « Je compose des bouquets garnis avec les plantes entières,
vendus dans des petites boîtes de carton, avec mes recettes au dos pour donner des idées aux clients. » Élodie conseille ainsi la sauge avec de la viande blanche et des haricots blancs pour améliorer la digestion, son bouquet thym, origan, sarriette pour la sauce tomate, celui au thym et laurier « pour les plats mijotés de l’hiver comme le pot-au-feu », et du thym, du romarin ou du fenouil pour le poisson.
Une glace qui rend chèvre
Camille et Rudy Michel se sont lancés dans l’élevage de 75 chèvres laitières (et 60 cabris) avec un objectif : confectionner des glaces au lait de chèvre. Camille précise : « Rudy a entrepris une formation sur les transformations fromagères avec seulement une journée consacrée à la glace. Nous avons fait des essais… transformés ! Ce sont nos recettes. Nous travaillons la matière première brute – sans ajout d’arôme ni de colorant – durant environ trois jours pour obtenir une glace dense et onctueuse. » Si certains clients craignent de retrouver le goût du fromage, il n’en est rien. En cédant à la tentation d’une glace à la noisette, on ne retient que ce petit goût de fruit grillé. « Au départ, les gens voulaient la classique glace au Nutella. On l’a faite et, parallèlement, on leur faisait tester celle à la noisette. Résultat, au bout de quelques mois, nous avons laissé tomber le Nutella ! » Les parfums sont délicats, comme la glace au thym – « à arroser de liqueur de thym pour faire le trou provençal ! » – et rares, telle celle au pastis. « C’est le goût anisé qui domine, pas l’alcool ! » La moitié du lait de la Ferme des Jovents sert à la confection des glaces et l’autre à la fabrication de fromages au lait cru et yaourts. Mais à terme, l’objectif du couple est de se consacrer exclusivement aux glaces. « Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la glace se consomme toute l’année. Avantage supplémentaire, elle permet aux intolérants au lactose de se régaler ! »
Le figon montre pâte blanche
Si, dans la région, on parle, généralement, de la figue de Solliès et de son AOC, il serait bien dommage de passer à côté de Salernes et de son figon – ou « figoun » en provençal –, une variété de figue blanche. Défendue par l’association Lou Figoun, créée par Nathalie Pomero et Suzanne Lerda, cette figue à la pulpe blanche rosée et à la peau verte est essentiellement vendue confite. Jacques Blanc, producteur, apporte quelques éléments : « On peut la manger fraîche, mais elle est
très délicate et ne supporte pas le transport. En revanche, sa peau très fine est recherchée par les confiseurs qui n’ont pas besoin de la peler. Elle peut aussi supporter plusieurs bains sans éclater, ce qui est particulièrement intéressant pour la confire. » Très prisée des artisans confiseurs d’apt, dans le Vaucluse, elle l’est aussi d’alexandre Tanghe, de La Chocolaterie de Lisandre, à Salernes. Il transforme, pour l’association, les fruits entiers en sirop. « Cela se marie bien avec du foie gras ou un magret », précise-t-il. Il a aussi créé un chocolat fourré au figon, un délice ! Le seul regret de Jacques Blanc : « L’an dernier, nous en avons produit 7 tonnes, alors qu’il y a encore dix ans, nous pouvions aller jusqu’à 15 tonnes. Les producteurs se font vieux et les jeunes ne veulent pas reprendre, car c’est un travail fastidieux. La récolte à la main, entre mi-août et mi-septembre, doit se faire tous les deux jours, le matin de très bonne heure, en repassant inlassablement sur les mêmes branches. »
Le moulin de Callas, le ténor de l’huile d’olive
Mathieu et Anthony Bérenguier sont à la tête du moulin. Le premier au service commercial, le second dans l’oliveraie. Ils font vivre cette exploitation créée par leurs arrièregrands-parents en 1928. Anthony raconte : « Le gel de 1956 a fait beaucoup de mal à Callas. Il y avait, à l’époque, 18 moulins. Les oléiculteurs se sont alors tournés vers la vigne. Notre moulin n’a pas été épargné. Mon père a relancé son activité en 1981 et moi, j’ai replanté les oliviers à partir de 1990, sachant qu’il faut compter dix ans avant d’obtenir une première récolte. » Aujourd’hui, Anthony travaille 15 variétés sur ses 10 hectares, certaines anciennes, comme le petit ribier ou la coucourelle. « On ne fait que du fruité vert pour être vraiment sur le goût du fruit, en assemblant ces différentes variétés. L’opération est plus complexe que de travailler du monovariétal, mais le résultat est meilleur. D’une année à l’autre, le goût diffère, mais on garde
toujours l’ardence [le picotement poivré, ndlr] et l’amertume du fruit qui est récolté avant maturité, de fin octobre à Noël. » La moitié des olives provient de leurs champs et le reste de petits producteurs voisins. Elles se retrouvent dans leur huile la cuvée « Coeur de culture ».
Le rosé, un concentré d’été
Connu dans le monde entier, le vin rosé de Provence, historiquement produit sur la côte, a séduit aussi à l’intérieur des terres où le rouge prédominait. Agnès et Janmichel Just, du domaine Bastide du Plan (dans la famille depuis 1947), préviennent : « Il est plus difficile de réussir un rosé qu’un rouge. Ce dernier demande une réelle technicité pour conserver les saveurs de la peau du raisin sans trop la laisser en contact avec le jus. » En AOC côtes-de-provence, à partir des cépages tibouren, grenache et cinsault (au minimum deux assemblés), le couple vendange à partir de fin août dès 4 heures du matin. « Il faut rentrer le raisin le plus frais possible. Il est ensuite mis en cuve pour macération entre quatre et six heures pour que la peau donne sa couleur au vin. Le jus est ensuite tiré, pressé et vinifié entre quinze à vingt jours, entre 14 et 18 °C. Le froid est essentiel pour éviter de perdre les arômes et d’augmenter la fermentation », indique Jan-michel Just. Agnès détaille : « Les AOC côtes-de-provence sont des rosés avec une robe plutôt pâle, aromatiques sur les fruits ou les fleurs, de la fraîcheur, un peu d’acidité, faciles à boire. Ils se marient avec la cuisine d’été, mais également la cuisine thaïe, les sushis… » Le couple produit également un IGP var : « En IGP, on laisse plus de fruits sur les pieds de vigne, la qualité sera moindre qu’un AOC. »
« Le rosé se marie très bien avec la cuisine d’été. » Agnès Just