Magie de Noël en Alsace
Au coeur de l’hiver, villes et villages prennent des allures de contes de fées : lumières scintillantes, décors enchanteurs, traditions culinaires… De quoi transcender les fêtes, et plus encore !
Pour s’imprégner de ces traditions, rien de plus simple que de se rendre sur les marchés de Noël. Que ce soit celui de Strasbourg, le plus grand et plus ancien marché d’alsace, ceux d’obernai ou Haguenau et leur ambiance bon enfant et gourmande, celui de Colmar et sa féerie, ou encore celui de Kaysersberg et son univers digne d’« Hansel et Gretel », la magie bat son plein. Foies gras, cannelle, pains d’épices, vins d’alsace et munster s’affichent au milieu des décors scintillants. Parfait pour faire ses emplettes, mais également se promener au coeur de charmants et typiques villages alsaciens aux rues parsemées de petits sapins, de guirlandes lumineuses et aux moindres fenêtres décorées. Joyeux Noël !
Nicolas Lechner veille au grain
À la suite de ses parents, Nicolas est à la tête d’une troupe de 300 oies. Élevées entre 16 et 17 semaines, elles sont nourries avec les céréales de la ferme : maïs, blé, triticale (ancienne variété de blé). « Le maïs grain permet de maîtriser plus facilement l’évolution du foie, qui sera moins gras, d’une couleur entre le blanc et le jaune et d’une texture plus moelleuse. » Plus gros qu’un
foie de canard, le foie d’oie, entre 700 et 800 g, demande à l’éleveur beaucoup plus de travail. « Pour l’instant, c’est encore mon père qui gave les oies, quatre fois par jour, à 5 h 30, puis à 9 h, à 15 h, et enfin à 19 h ! Contrairement à un canard qui, lui, ne le sera que deux fois. Et si la méthode est la même, l’oie est un animal plus fragile. Il est sûr que le canard est plus rentable ! » Et c’est bien ce qui entraîne l’érosion lente des éleveurs d’oies en Alsace et une différence de prix entre le foie de canard et d’oie. Présent sur le marché de Noël de Strasbourg (place du Marché-aux-poissons), Nicolas fait volontiers goûter les deux pour comparaison :
« On a dû se mettre à faire aussi du canard vu la forte demande, même en Alsace ! Le canard va être plus corsé, plus fort en goût de gibier. Le foie d’oie sera plus fin et fond en bouche, c’est un peu comme comparer un vin blanc sec et une vendange tardive ! Tout est question de goût, mais attention, il ne faut jamais tartiner le foie sur le pain (d’épices ou non), sinon on gâche tout, le foie comme le pain. Il faut mordre dans le foie, puis “s’essuyer le palais” avec le pain. »
Le dampfnudle, une spécialité sur le marché d’haguenau
Avec un tel nom, on s’attend à une variété de pâtes alsaciennes comme les spaetzle. Eh bien non ! C’est Éric Mull, spécialiste en la matière, qui nous l’explique : « C’est une spécificité du nord de l’alsace, “dampf” signifiant, en alsacien, vapeur, et “nudle”, pâte. C’est donc une sorte de beignet cuit à la vapeur, réchauffé ensuite dans du beurre et un peu de lait. Certains utilisent de l’huile et de l’eau, mais le beurre donne un meilleur goût, permet de le griller légèrement, et le lait ajoute du moelleux. Les anciens le mangeaient avec la soupe car il remplaçait le pain. » La base est une pâte au levain, croisement entre un pain et un beignet mais sans aucune matière grasse, si ce n’est celle contenue dans le lait. « La pâte est neutre, le dampfnudle se mange aussi bien salé que sucré. Sur le marché de Noël – sa femme, Sophie, tient le chalet – on va plutôt le trouver en version sucrée. En période de Noël, j’en fabrique entre 4 000 et 5 000 ! » Et le reste de l’année, on les déguste dans sa crêperie à l’alsacienne (Les Têtes de Mull), en accompagnement d’une soupe ou de crudités, où il les confectionne à la minute : « C’est pour cette raison qu’on n’en trouve pas en boulangerie. » Ceci étant, Laurine Gutleben, cheffe du restaurant La Vieille Forge, à Kaysersberg, affectionne aussi ce produit et le sert en accompagnement de son feuille à feuille de marcassin (épaule de marcassin, feuille de chou vert, foie gras, le tout complété avec une poire pochée au vinaigre de vin et aux épices de Noël). Ainsi aime-t-elle créer la surprise : « Les gens n’auraient peut-être pas l’idée de manger du marcassin avec un dampfnudle, pourtant, cela change des spaetzle ! »
Franck Buecher coince la bulle
À Wettolsheim, si vous demandez la famille Buecher, on vous répondra : « Laquelle ? » Précisez que c’est celle qui fait dans le crémant ; là, on vous indiquera où trouver Jean-claude et son fils Franck. C’est ce dernier qui nous éclaire sur ce vin mousseux d’appellation d’origine contrôlée, produit dans tout le vignoble d’alsace : « Il est principalement issu du cépage pinot blanc, mais aussi du pinot gris, du pinot noir, du riesling, de l’auxerrois ou du chardonnay. On retrouve la trame alsacienne dans ce vin, il est léger, élégant, convivial, empreint de fraîcheur. Nous cultivons nos propres vignes, en approche bio depuis 2006. Après la fermentation traditionnelle, c’est dans la bouteille même que s’effectuera une deuxième fermentation avec les sucres naturels pour la “prise de mousse”, l’effervescence. Les bouteilles sont stockées de 2 à 4 ans, on peut même aller jusqu’à 150 mois. » Après une période de vieillissement sur lattes d’au moins 9 mois, les bouteilles sont remuées, chaque jour, sur leur pointe pour faire descendre le dépôt sur le col ; la dernière opération, le dégorgement, consistera à retirer ce dépôt, en
enlevant la capsule, avant de remettre un bouchon de liège. « En 2011, j’ai fait ma première solitaire, un peu comme une Route du rhum (!) avec les doutes, la crainte, la fatigue. Avec 4 ans d’élevage, il faut être sûr de ses choix, savoir se projeter. Tout compte fait, c’est un peu comme élever un enfant ! »