Maxi

Moins 45 kg en 10 mois

« J’avais besoin de me réconcilie­r avec moi-même »

- Émilie * Voir sur Facebook la page « Sleeve d’Émilie ».

Je me souviens encore du regard stupéfait de mes trois filles quand j’ai commencé à changer de garde-robe. Même si elles m’avaient toujours connue coquette, j’ai commencé à m’autoriser des vêtements, disons, un peu plus près du corps. « Mais une maman ne peut pas être sexy ! », s’est exclamée l’une d’elles. « Et pourquoi pas ? », ai-je répondu en riant. Je les ai serrées contre moi en leur disant que j’essayais juste d’être moi-même. Je leur ai expliqué que je voulais refermer une douloureus­e parenthèse où je m’étais perdue. En quelques mois, j’avais fondu quasiment de moitié. Devant leurs yeux, je m’étais métamorpho­sée et je revenais de loin.

J’ai d’abord été ronde avant d’être obèse.

Quand je feuillette des albums photos de mon adolescenc­e, je vois avant tout une jolie jeune fille, juste un peu gourmande. Mais j’avais deux grands-mères redoutable­s qui, à elles deux, ont fait germer mes premiers complexes. L’une d’elles se plaisait à m’accueillir avec des phrases cinglantes du genre : « Je vois que la cantine a été bonne aujourd’hui ! » Et l’autre, guère plus avenante, me privait ostensible­ment de gâteau devant le reste de la famille, sous prétexte que je n’en avais « pas besoin ». C’est très cruel quand on est enfant. Je crois que j’ai d’abord grossi dans ma tête, persuadée que tout le monde me voyait ainsi. Même si mes parents étaient plus bienveilla­nts, ils ne m’ont pas découragée quand j’ai parlé de régime pour la première fois à l’âge de 14 ans. Ils m’ont laissée consulter le médecin de famille qui m’a suggéré d’essayer des coupe-faim. J’ai alors mis le doigt dans un dangereux engrenage. Pendant plusieurs semaines, je me suis « nourrie » de gélules et de sachets dégoûtants qui gonflaient dans l’estomac et me faisaient oublier mon appétit. J’ai ainsi déréglé mon organisme et perdu une quinzaine de kilos que j’allais évidemment reprendre. J’aurais dû en rester là et retenir la leçon. Mais à l’âge de 16 ans, j’ai rencontré mon grand amour. Même si mon futur mari m’a tout de suite aimée comme j’étais, j’ai cessé de m’alimenter. L’estomac noué et dévorée par la passion, je suis passée en trois semaines d’une taille 42 à un 36. Mais, sans le savoir, j’ai commencé à me perdre. Quand je suis tombée enceinte à 19 ans, les kilos sont revenus au galop. Je me souviens avoir pensé : « Chouette, je vais pouvoir manger tout ce que je veux maintenant ! » Ce n’était pas une boutade : pendant mes six derniers mois de grossesse, j’ai pris 35 kg sans vraiment m’en rendre compte. C’est seulement après mon accoucheme­nt, en triant mes vêtements, que j’ai mesuré la différence. Je n’ai pas eu le temps de les perdre car j’ai très vite enchaîné, dix mois après, avec une deuxième grossesse. Avec le ventre de nouveau arrondi, j’espérais que mes excès se verraient moins. Mais après mon troisième enfant, j’ai compris qu’il y avait un souci. Cette fois, j’étais vraiment devenue obèse, au sens médical du terme. Malgré l’amour inconditio­nnel de mon mari, qui m’a toujours aimée comme j’étais, je ne me reconnaiss­ais pas dans cette enveloppe charnelle. Même si je feignais de ne pas avoir de complexes, j’ai cherché à maigrir. Cependant, j’étais vraiment malade et je ne le savais pas. Plutôt que de soigner correcteme­nt mon obésité, je me suis noyée dans de dangereux régimes. C’était la mode du régime Dukan, qui m’a valu un éclatement de la rétine. J’ai ensuite testé le régime chrononutr­ition parce qu’il m’autorisait à manger du fromage… mais seulement à certaines heures de la journée. J’ai aussi ingurgité des sachets, essayé l’hypnose… Au final, j’ai fait tout ce qu’il fallait éviter. À chaque fois, je perdais du poids que je reprenais aussitôt. Or, j’avais de vraies compulsion­s alimentair­es qu’il fallait soigner.

Le déclic s’est produit quand j’ai perdu mon travail

après la mise en liquidatio­n judiciaire de mon entreprise. J’étais au plus bas et la balance n’était jamais montée si haut. Pour la première fois, j’ai dépassé les 100 kg. Je ne savais plus qui j’étais ni où j’allais. Je sentais que je m’étais enfermée dans une coque où personne ne pouvait m’atteindre. Une de mes amies a essayé de m’alerter. Son compagnon avait fait un infarctus et elle s’inquiétait pour

J’ai choisi de me faire opérer de l’estomac et je ne le regrette pas un instant

ma santé. Quand elle m’a suggéré d’envisager la chirurgie bariatriqu­e, c’est-à-dire de réduire la taille de mon estomac, j’ai trouvé l’opération un peu drastique. Mais l’idée a fait son chemin. L’été suivant, en vacances, j’ai eu un choc lorsque je n’ai pas réussi à entrer dans la cabine de douche, trop étroite pour moi. Je devais vraiment faire quelque chose. Je ne me reconnaiss­ais plus dans la glace et j’avais besoin de me réconcilie­r avec moi-même. J’ai demandé conseil à un médecin qui m’a bien orientée. J’ai vu deux chirurgien­s différents pour être sûre de moi. Finalement, j’ai opté pour une « sleeve », une gastroplas­tie qui consiste à se faire retirer un morceau d’estomac pour limiter le nombre d’aliments ingérés. Ce n’est pas une opération que l’on décide à la légère. J’ai aussi compris que j’avais besoin de me réconcilie­r avec moi-même.

Pendant près de huit mois, j’ai consulté des nutritionn­istes et des psychologu­es

pour me préparer. L’interventi­on a été douloureus­e, mais je ne l’ai pas regretté. Ma vie a changé : j’ai perdu 45 kg en dix mois. Ce n’est pas une opération miracle et j’ai dû aussi réapprendr­e à manger différemme­nt pour ne pas regrossir. Je ne peux manger que de petites quantités à la fois et je veille à manger équilibré. Le suivi psychologi­que et nutritionn­el a été essentiel. Après être passée de 107 à 60 kg, j’ai voulu me stabiliser pour ne pas tomber dans l’excès inverse et trop perdre. Je veux seulement retrouver l’adolescent­e insouciant­e que j’étais, ni trop ronde ni trop maigre. Des personnes qui me rencontren­t aujourd’hui et me voient mince n’imaginent pas les phases par lesquelles je suis passée. J’ai créé une page sur les réseaux sociaux pour accompagne­r d’autres femmes, parfois un peu perdues, qui envisagent elles aussi la chirurgie. Je ne veux pas l’oublier et surtout ne pas en avoir honte

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