TÉMOIGNAGE « Grâce à mon amour, ma fille a repris goût à la vie»
Lorsque Adeline a adopté seule Nastia, âgée de 7 ans, elle était loin de connaître les traumatismes que la fillette avait subis dans sa famille d’origine. Mais, heureusement, l’amour a triomphé sur ce parcours d’adoption parsemé d’embûches.
Au beau milieu de la nuit, j’ai entendu des cris ! Immédiatement, j’ai cherché Nastia, 7 ans. Elle n’était plus dans son lit ! Je l’ai finalement trouvée terrée dans un recoin, entre le mur et le buffet de la salle à manger. Impossible de reconnaître ce visage rempli d’effroi ! Malgré tout le réconfort qu’une mère peut prodiguer à son enfant dans de pareilles circonstances, j’ai eu beaucoup de difficultés à ramener ma fille au calme et ce n’était pas la première fois.
En la voyant enfin se rendormir, je me sentais assaillie de mille et un doutes.
Arriverais-je à panser les plaies de cette âme meurtrie que je venais d’adopter ? Ce parcours d’adoption avait si mal débuté ! Mère célibataire pour l’administration et la plupart des professionnels de l’adoption, j’étais suspecte. Au lieu d’obtenir mon agrément en neuf mois comme tout le monde, j’avais dû me battre pour enfin l’obtenir au bout de deux ans. Mais ce sésame était loin d’ouvrir toutes les portes aux femmes qui, comme moi, n’ont pas eu la chance de trouver l’âme soeur pour faire un enfant. Pourtant, à 35 ans, mon coeur ne réclamait que cela ! Finalement, j’avais réussi à dénicher une association qui travaillait avec la Russie. Ce pays permettait aux mères célibataires d’adopter. La directrice a accepté ma candidature. Il m’est impossible d’oublier ce matin du printemps 1997, un an plus tard. Quand ma collègue m’a transmis l’appel, il était 11 heures du matin. À l’autre bout du fil, on m’a annoncé qu’une petite fille de 6 ans et demi se prénommant Nastia attendait à Saint-Pétersbourg de nouveaux parents.
Quelques jours plus tard, j’ai découvert cette splendide petite fille sur des photos
que l’association m’avait envoyées et je me suis sentie mère sur-le-champ ! Aussi incroyable que cela puisse paraître, mon corps lui-même a commencé à s’arrondir ! Malgré cela, j’étais un peu inquiète : ma fille paraissait très maigre et son regard sombre et dense n’avait rien de la candeur ni de l’innocence de l’enfance. En voyant cette petite fille, j’étais émue : j’avais envie de la serrer immédiatement dans mes bras, mais elle semblait distante, si méfiante ! Il m’avait fallu des heures avant de briser la glace et obtenir qu’elle consente enfin à glisser sa petite main dans la mienne, signe qu’elle m’acceptait comme sa future maman. Son passé trouble, je ne l’ai en fait découvert que la veille de mon retour en France, et encore partiellement. Je venais juste de signer les papiers de l’adoption. Dans la chambre de l’hôtel, j’ai parcouru ces lignes ! Je n’ai plus vraiment les mots aujourd’hui pour décrire l’effroi que j’ai ressenti en les lisant : Rina, la mère biologique de Nastia, se prostituait et ma fille avait assisté à des scènes inimaginables pour un enfant de son âge ! En larmes, je me suis demandé si j’allais être capable de la rendre heureuse…
L’adoption n’est pas toujours une voie facile, mais elle mérite d’être vécue
Bien sûr, mes craintes se sont confirmées ! Très peu de temps après notre arrivée en France, Nastia a commencé à avoir un comportement de plus en plus étrange. Je la retrouvais très souvent en proie à des paniques incroyables. Et certains jours, elle me demandait de la battre avec une ceinture ! C’est ainsi que le passé de ma fille s’est révélé peu à peu à moi. Sa mère, en plus de la faire participer à ses passes, la frappait régulièrement. Nastia avait si peur qu’elle vienne la chercher pour la ramener en Russie ! Pour l’aider à sortir de sa torpeur, j’ai redoublé de patience et, surtout, je me suis fait aider de spécialistes.
Malgré ses terribles blessures, elle a appris rapidement le français.
Elle qui n’avait jamais pu aller à l’école en Russie en rêvait tellement. Elle s’est vite révélée une élève assidue et exemplaire ! En la voyant prendre goût petit à petit à sa nouvelle vie, j’ai enfin commencé à prendre confiance en mes talents de maman. Aussi, impossible d’oublier ce jour où Nastia a décidé de porter le prénom que j’avais choisi pour elle : Hazel ! Ma fille m’a alors expliqué que, dans Hazel, il y avait « ailes », signe qu’elle s’envolait vers une nouvelle vie. Et c’est à ce moment-là, précisément, que j’ai su qu’elle était sauvée. Hazel avait alors 9 ans. Aujourd’hui, du haut de ses 27 ans, ma fille a pris son envol pour vivre sa vie de femme ! Elle enseigne le français à des élèves de lycée. Je suis si fière de son parcours ! J’ai donné le maximum pour panser ses blessures. J’aurais aimé les lui faire oublier complètement… Mais il lui arrive encore de replonger dans la noirceur de cette enfance meurtrie. Puis elle remonte la pente. L’adoption n’est pas une voie facile, et encore moins pour une femme célibataire, mais lorsqu’elle scelle le destin de deux êtres qui avaient besoin l’un de l’autre, elle mérite mille fois d’être vécue.