Le Rire Médecin
arrive dans les maternités
Chaque mardi aprèsmidi, deux membres de la famille Confetti se retrouvent à l’hôpital du KremlinBicêtre (94) pour faire vivre la nouvelle initiative du Rire Médecin : Mater-Nez. L’idée, unique au monde : rendre une petite visite aux femmes qui viennent d’accoucher pour les amuser, les détendre… Bref, leur accorder une petite parenthèse durant leur séjour à la maternité. Cette semaine, ce sont les cousins Virgilio et Suzy qui, guitare à la main et sourire aux lèvres, arrivent dans le service.
« Nous chantons des berceuses aux mères qui viennent de mettre au monde leur bébé et se sentent un peu perdues », explique Marianne, alias Suzy Confetti, comédienne et clown pour le Rire Médecin depuis vingt-cinq ans. Ici, pas de fameux nez rouge qui a fait la signature de l’association, les comédiens qui participent à Mater-Nez ont troqué leurs costumes de clown pour des vêtements de ville qui ne passent pas inaperçus : smoking rouge brillant pour Virgilio, et robe à fleurs roses et perruque blonde sixties pour
Suzy. « Les clowns, c’est très bien avec les enfants, mais pas avec les femmes qui viennent d’accoucher, reprend Marianne. En effet, il arrive qu’au cours de notre venue la maman soit émue, verse quelques larmes… Dans ce cas, nous avons besoin de redevenir nous-mêmes pour accueillir cette émotion : si nous étions clowns, nous devrions en jouer, ce qui serait infantilisant. »
D’abord, un brief avec l’équipe médicale
Avant d’aller pousser la chansonnette, Virgilio et Suzy s’arrêtent dans la salle des soignants afin d’être briefés : « La maman de la chambre 403 va bien, mais elle a peu de visites, votre venue lui amènerait un peu de distraction », recommande Adeline, auxiliaire de puériculture. « Et dans la 302, la mère de Jonathan, né très prématurément, est souvent tristoune, elle aurait besoin d’être un peu égayée », ajoute Laetitia. Les soignantes énumèrent ainsi les chambres qui leur semblent
indiquées pour la visite de Suzy et Virgilio. Les deux « cousins » prennent des notes, questionnent sur les conditions de l’accouchement, le prénom du bébé, son état de santé, la fatigue de la mère, les frères et soeurs… « Cela nous permet d’entrer dans la chambre en ayant une idée du contexte global, précise Christophe, alias Virgilio. Ainsi, on évite les bourdes éventuelles : si on sait qu’il n’y a pas de père, par exemple, on ne s’exclame pas : “Oh, voici l’heureux papa !” si l’on rencontre un homme dans la chambre. »
« De même, en fonction de l’état de la mère, on sait si on doit la stimuler avec une chanson tonique, l’apaiser avec une berceuse, la faire rire… » Pendant que sages-femmes et auxiliaires de puériculture débriefent la famille Confetti, une petite Promise, confiée quelques heures par sa maman aux soignantes, dort dans son berceau. Quelques bruits de succion indiquent son réveil imminent : « Promise ne nous inspirerait-elle pas une petite chanson, mon cousin ? » demande Suzy. Devant le signe de tête complice de son compère, elle improvise une berceuse. Immédiatement, un voile de douceur enveloppe la salle. Promise esquisse un sourire : son réveil sera doux ! Quant à Virgilio et Suzy, ils sortent dans les couloirs en chantant de plus belle : « Plus je t’embrasse, et plus j’aime t’embrasser / Plus je t’enlace et plus j’aime t’enlacer. »
Lorsqu’ils pénètrent dans la chambre de Cindy, qui a donné naissance à Tom il y a deux jours, ils saluent tout de suite Florian, le papa, et s’adressent d’abord à Éléa, jeune grande soeur de 3 ans et demi. « Qu’il est joli ton prénom, s’extasie Suzy. C’est un prénom de princesse, non ? » La fillette sourit malicieusement et demande la chanson de la famille Tortue. Virgilio et Suzy chantent avec Éléa, qui reprend. Cette pause amuse les parents, qui contemplent tendrement leurs bambins. « Peut-être que je pourrais moi aussi chanter des berceuses aux enfants », s’interroge Florian. Christophe acquiesce : « La musique, c’est toujours un moment de partage ! »
Chambre suivante, Wei et son conjoint, dont le bébé né prématurément va bientôt sortir de sa couveuse, attendent de pouvoir serrer dans leurs bras leur petit. Fatigués par l’inquiétude des derniers jours, un brin tendus, ils écoutent Marianne et Christophe qui ont bien compris que l’heure n’était pas à l’envie de rire. Suzy entonne Une chanson douce et, dans un murmure, les voix des comédiens emplissent la pièce de tendresse. Wei se détend, sourit et laisse couler des larmes qui ne demandaient qu’à sortir : les regards bienveillants de Marianne
et Christophe couvent la maman jusqu’à ce que la berceuse s’achève. « Ce sont de bonnes larmes qui vont évacuer toute la fatigue », assure Marianne. Wei remercie : « Cette chanson me touche le coeur. »
« Quand Magali Delahaye, notre cadre (lire encadré page précédente), nous a parlé de Mater-Nez, beaucoup d’entre nous se sont demandé ce que ces chansons allaient apporter, reprend Séverine, soignante. Rapidement, nous avons constaté qu’après leur passage les jeunes mamans, souvent stressées, fatiguées, sont plus apaisées, voire plus joyeuses. »
De chambre en chambre, cette observation se confirme : aux côtés de Nadia, la maman de Naïm, Suzy invente des paroles sur un air de guitare : « Dans les bras de maman, je me sens bien /Il faut dire que ma maman, elle est jolie /C’est même la plus jolie des mamans… » Le visage de Nadia s’illumine : « Cela fait plaisir d’entendre cela.
Surtout après l’accouchement où l’on ne se sent pas tellement belle. » Puis, c’est au tour du petit Johan, entouré de sa maman et de ses deux tatas, d’avoir les faveurs de Suzy et Virgilio. Et c’est sur la chanson de Maître Gims, Sapé comme jamais, que Marilyne berce son bébé en riant. « Cela fait du bien, cette joie autour de Johan ! »
Des berceuses dans toutes les langues
Puis Suzy, qui connaît des chansons dans trente langues, entonne une berceuse en lingala, une langue africaine bien connue de Marilyne. Elle serre son bébé et son regard plonge dans le vague : « Je me souviens qu’on me chantait ça quand j’étais petite », murmuret-elle. Accordant sa voix sur celles de Suzy et de Virgilio, elle berce son tout-petit en lui soufflant ces paroles qui la relient à son enfance. Discrètement, Marianne et Christophe se retirent. « Les berceuses permettent aux jeunes mamans de se reconnecter à leur enfance pour mieux se connecter à leur bébé. »
Chacune retrouve alors ce geste de tendresse qu’est le bercement d’un bébé. Avant de partir, Suzy et Virgilio font un détour par la salle des soignantes pour les saluer tout en leur offrant une dernière chanson, Je me la joue cool, cool, cool, de Kenji Girac. Auxiliaires de puériculture, sages-femmes, aides-soignantes… Toutes reprennent en choeur et battent le rythme en frappant dans leur main. Elles savourent cette parenthèse musicale : « Ici, c’est parfois très dur, nous avons des femmes qui vivent des situations difficiles, qui ont perdu leur bébé, observe Sévérine. Du coup, profiter d’un moment de joie nous permet de nous détendre. »
Pour Christophe et Marianne, c’est une façon agréable de clore la journée. « Chaque semaine, c’est assez fort, dit Christophe. Quand Marianne et moi quittons nos vêtements de scène, nous échangeons beaucoup sur les mamans que nous avons rencontrées. Cela nous permet de garder une distance qui nous préserve. » En les saluant pour leur dire au revoir, Séverine lâche : « Vivement leur retour mardi prochain ! » De nouvelles jeunes mères seront là et tous vivront ensemble de nouvelles émotions !