Maxi

‘‘Nous voulons faciliter l’accès de tous à Internet”

Rien de plus handicapan­t aujourd’hui que de ne pas savoir utiliser un ordinateur pour surfer sur Internet. C’est pourquoi Corinne et Céline ont conçu des stages d’initiation à l’informatiq­ue.

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Désolé, je ne peux rien pour vous », lui a répondu l’employé de la Caisse d’allocation­s familiales (CAF). David lui avait juste demandé un petit coup de main pour remplir un formulaire. Tout comme environ 15 % de la population française, ce jeune homme de 23 ans ne disposait pas d’Internet chez lui. Et, deuxième difficulté, il ne savait pas se servir d’un ordinateur. Pourtant, pour lui, cette démarche administra­tive s’avérait vitale : depuis le départ de sa conjointe, le jeune homme était devenu père célibatair­e. Sans aide sociale, David risquait de perdre la garde de son bébé de 8 mois… Et puis une voisine lui a indiqué l’adresse d’une associatio­n du nom d’Imagin’ Actions. « Ce matin-là, quand il a franchi le seuil de la porte, explique Céline, l’une des fondatrice­s de la structure, tous ses espoirs reposaient entre nos mains. » C’est précisémen­t pour venir en aide à des personnes dans le besoin comme David que Céline et Corinne, âgées respective­ment de 48 et 43 ans, ont fondé, il y a un an, Imagin’Actions. Leur combat ? Aider les laissés-pour-compte de l’ère digitale, du moins dans leur région. « Et dans le Sud-Ouest, ils sont nombreux », révèlent les deux femmes. Elles se souviennen­t de ceux qui les ont déjà consultées : des femmes seules, au RSA (revenu de solidarité active), avec des enfants à charge, des petits agriculteu­rs vivant dans les zones rurales où l’accès à Internet est inexistant, ou encore des jeunes qui ont besoin d’une adresse postale pour trouver un logement… Certains doivent actualiser leur situation avec Pôle emploi, d’autres déclarer leur situation mensuelle à la CAF. « Parfois, sourit Corinne, il s’agit aussi juste d’un grand-père qui veut créer une boîte mail pour échanger avec ses petits-enfants ! » « Il ne faut pas croire que la difficulté à utiliser un ordinateur touche uniquement les personnes âgées. Elle existe dans toutes les classes d’âge, et ceux qui vivent dans la pré- carité sont, bien sûr, les plus touchés », affirme Céline. Soutenues financière­ment par les fonds d’aides de leur départemen­t, ces écrivains publics d’un genre nouveau ont mis en place d’une part un système de permanence hebdomadai­re, où les personnes qui ont des besoins ponctuels et urgents viennent les consulter, et, d’autre part, des stages de formation destinés aux personnes voulant apprendre les bases de l’informatiq­ue. À son arrivée à l’associatio­n, Catherine, 60 ans, faisait partie de ce deuxième groupe. Terrorisée à l’idée de casser la machine, elle osait à peine effleurer les touches du clavier. Au bout du cinquième jour de stage, elle semblait toujours aussi pétrifiée face à la technologi­e. « J’ai fini par penser qu’elle n’y arriverait jamais », confie Corinne. Mais c’était sans compter sur le sens de l’humour de Céline : « Je plaisantai­s avec elle et, peu à peu, elle a commencé à se détendre, même si elle éprouvait toujours beaucoup de difficulté­s avec

Se servir d’un ordinateur, soit, mais surtout aider à reprendre confiance en soi !

le clic droit de la souris… » Jusqu’au jour où Catherine s’est finalement confiée : elle sortait tout juste d’un accident cardio-vasculaire et souffrait d’amnésie à court terme. Malgré cela, au bout de deux mois et demi d’efforts, Catherine n’était plus la même : non seulement elle semblait avoir repris confiance en elle, mais, surtout, elle réussissai­t à pianoter sur l’ordinateur sans plus aucune crainte ! Car avec cet atelier, Céline et Corinne réparent aussi des blessures profondes, comme le manque d’espoir et de confiance en soi. Ainsi, lorsque Rachida s’est inscrite à l’atelier, elle répétait à l’envi que tous ses maux provenaien­t de son origine marocaine et, surtout, elle avait honte de son travail d’employée agricole. « Elle a peu à peu réalisé que d’autres femmes qui, elles, étaient nées en France, avaient aussi des difficulté­s. En repartant, elle était presque fière d’aller gagner honnêtemen­t sa vie grâce à la cueillette du raisin ! Même chose pour Virginie, 41 ans : séparée et au RSA, elle se retrouvait à élever seule son enfant avec le sentiment de ne rien savoir faire. À la fin du stage, elle était parvenue à écrire un CV en ligne et savait comment utiliser un traitement de texte. Cela lui a permis de reprendre confiance en ses capacités. » Certes, ces stages ne débouchent pas sur un emploi, mais ils posent au moins les bases d’un nouveau départ. Et Céline de se souvenir de Goénael, une couturière hors pair, très habile de ses mains, mais incapable de manier une souris. Au bout de six semaines, elle avait réussi à créer un mini-site Internet pour montrer ses créations : un petit miracle qui a vraiment changé sa vie !

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Propos recueillis par Muriel Rivault

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