Maxi

TÉMOIGNAGE

Maltraitée par son premier mari, Aurore a finalement trouvé la force de fuir. Depuis, avec Philippe, son nouvel époux, elle nage dans le bonheur et a fondé une famille très solide !

- Aurore

« J’ai réussi à me reconstrui­re et à refaire ma vie !»

Pour nous marier, il nous manquait un seul document. Philippe avait alors proposé de repousser la date de la cérémonie. N’importe quelle femme aurait compris. Moi, non. Furieuse, je lui ai rendu sa bague de fiançaille­s. Il faut dire que j’étais sur les nerfs, en proie au doute. J’avais peur de me tromper à nouveau. Pourtant, Philippe était un homme gentil, pas violent du tout. Mais mon premier mariage m’avait tant détruite qu’au moment de dire « oui » à un homme pour la seconde fois de ma vie, les souvenirs remontaien­t à la surface. J’avais 19 ans quand mon premier amoureux, Djibril, m’a demandé de l’épouser, j’étais éprise de lui et sans doute un peu aveugle ! Sans hésiter une seconde, j’ai accepté. J’étais alors loin d’imaginer à quel point cette erreur de jeunesse allait me coûter cher… Quand deux ans plus tard, j’ai entrouvert les yeux, il était déjà trop tard. Ce soir-là, il a fallu seulement une phrase pour déclencher la colère de Djibril. D’un coup, il a levé la main sur moi… J’ai eu beau le supplier, lui rappeler que je portais son enfant, cet homme que je croyais rempli d’amour n’arrivait plus à se contrôler. Les yeux exorbités, son regard n’était que haine. Et puis, à peine une heure plus tard, comme si rien ne s’était passé, il m’a demandé pardon… Je n’avais pourtant rien dit qui méritait des coups, il m’a ordonné de ne plus le provoquer. Cela peut paraître idiot, mais j’ai commencé ainsi à douter de moi.

Le problème avec la violence, c’est qu’elle ne connaît pas de limite. Djibril avait eu beau me promettre qu’il ne recommence­rait plus, il a continué. Un rien pouvait déclencher son agressivit­é. Bien sûr, selon lui, j’étais toujours coupable ! Avec le temps, je vivais constammen­t dans la peur. Fara n’avait pas encore trois ans, lorsqu’il a commencé à s’en prendre à elle également. Ce soir-là, ma fille avait juste un peu tiré sur le pantalon de son père pour lui poser une question, comme tous les enfants le font à cet âge-là. Soudain, il l’a attrapé par les cheveux et lui a craché au visage. Rien que d’y penser aujourd’hui, j’en ai encore les larmes aux yeux. Sans doute, elle ou moi aurions pu y laisser notre vie si, un soir, je n’avais pas eu la chance de tomber sur une émission de télévision. Des femmes comme moi témoignaie­nt de la violence de leur mari. Et alors que je pensais être une exception, j’ai soudain réalisé que nous étions nombreuses à être piégées dans cette spirale infernale. Pour ma fille, j’ai fui. Avec l’aide de ma mère et de quelques proches, j’ai réussi à définitive­ment quitter cet homme qui avait, en cinq ans, transformé mon existence en enfer. Si, à ce moment-là, quelqu’un m’avait dit que j’allais retomber amoureuse rapidement, je ne l’aurais pas cru. Partager ma vie avec quelqu’un me semblait alors absolument improbable ! Mais quelques mois plus tard, mon coeur s’est soudain mis à battre la chamade au contact de cet homme qui tenait une boutique d’animalerie au coin de ma rue et qui se trouvait, par le plus grand des hasards, être mon voisin du dessous ! Ce soir-là, quand Philippe est venu boire l’apéritif chez moi, je me suis vite sentie en confiance avec lui. De mon passé, je ne lui ai rien caché. Comment aurais-je pu ? Peu de temps après le début de notre relation, Djibril a réussi à nous retrouver. Il s’en est pris à Philippe, qui a dû porter plainte pour menace de mort sur sa personne.

Quelle patience a eu Philippe ! Angoissée à l’idée de croiser Djibril à chaque fois que je sortais dans la rue, j’avais constammen­t les nerfs à fleur de peau. La nuit, je cauchemard­ais souvent que Djibril me retrouvait, et, la journée, inconsciem­ment, je tendais des pièges à Philippe pour tester son amour. Comme ce midi-là : l’heure d’ouverture de l’animalerie approchait, et Philippe n’avait pas eu le temps de faire la vaisselle. Alors qu’il se levait pour partir, je lui ai lancé furieuse : « Je ne suis pas ta boniche ! » Djibril m’avait tellement humiliée durant toutes ces années, que je ne supportais plus la perspectiv­e d’être rabaissée. De rage, j’ai reposé un peu trop violemment le pichet que je tenais à la main et il s’est brisé en mille

Je suis la preuve qu’on peut refaire sa vie après une telle blessure

morceaux. Philippe aurait pu prendre ce prétexte pour me quitter, mais il m’a acceptée comme j’étais.

Cette plaie béante que Djibril avait réussi à creuser en moi et en Fara a commencé à cicatriser grâce au grand coeur de Philippe. Impossible d’oublier ce moment de pure émotion quand ma fille a demandé à Philippe si elle pouvait l’appeler Papa et qu’il a répondu le plus naturellem­ent du monde : « Bien sûr ! » J’en aurais pleuré… Lorsque nous nous sommes finalement mariés à l’église, ce 3 juin 2000, la vie avait repris en moi : j’attendais un deuxième enfant. Mathieu* est né en décembre 2000 et Noé a suivi trois ans plus tard. Puis, en 2004, Djibril a cessé de se rendre aux points de rencontre surveillés que la justice avait mis en place. Il a ainsi perdu ses droits parentaux et, par la même occasion, il a disparu de nos vies. Cette année-là, pour la première fois depuis longtemps, j’ai cessé d’avoir peur au quotidien de le croiser sur mon chemin. Cela ne s’est pas fait sans difficulté car, pour vraiment avoir la paix et par amour pour nous, Philippe a décidé de revendre son animalerie de façon à déménager le plus loin possible. Treize ans plus tard, je suis fière de cette nouvelle famille que j’ai réussi à reconstrui­re. Durant ces années, j’ai croisé tellement de femmes qui ont connu la violence conjugale que j’ai décidé d’écrire un livre** pour leur transmettr­e un peu d’espoir. Se reconstrui­re après une telle blessure prend du temps mais, courage, c’est possible, j’en suis la preuve !

* Les prénoms des enfants ont été changés par la rédaction. ** La poussette cassée : le mal a un visage, d’Aurore Le Goff, paru aux éditions Edilivre.

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Aurore et Philippe ont su créer une famille unie.

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