Maxi

TÉMOIGNAGE « Aujourd’hui, je me sens enfin en paix ! »

Adoptée à 9 mois, Héléna se croyait orpheline. Grâce à ses recherches, elle a pu non seulement retracer l’histoire de ses premiers mois, mais, surtout, rencontrer sa mère.

- Héléna

Retracer mon histoire pouvait calmer ce sentiment d’injustice en moi

Le 18 février 2017, 21 heures à l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle. Soudain, sur l’écran de mon téléphone, j’ai vu apparaître pour la première fois de ma vie le visage de ma mère. J’ai la gorge serrée. Le temps de prononcer ces quelques mots : « Je suis ta fille, j’arrive demain à Brasilia » et, déjà, il était l’heure d’embarquer et donc… de raccrocher. Sur mes joues coulaient de grosses larmes de joie. 23 heures. L’avion venait juste de décoller. Tout semblait si irréel ! L’avant-veille encore, je pensais qu’en me rendant au Brésil pour retrouver mes origines, dans le meilleur des cas, je tomberais peut-être sur un parent ou sur un ami qui avait connu ma mère. Et voilà que j’avais réussi à la trouver elle, en personne ! Rien que d’y penser, j’en avais le vertige. Mes parents en France ne m’ont jamais rien caché. À cause d’un cancer à l’utérus, ma mère avait des soucis de fertilité. Avec mon père, ils s’étaient alors lancés dans un double parcours d’inséminati­on artificiel­le et d’adoption. Quand ma mère a su qu’une petite fille l’attendait au Brésil, elle est tombée enceinte ! J’avais neuf mois quand mes parents m’ont ramenée en France le 7 mai 1985, sous le prénom d’Héléna ; ma mère bio- logique au Brésil m’avait appelée Muriel. Du coup, ma soeur, qui est née six mois plus tard, et moi avons été élevées comme des jumelles. De ma famille biologique, mes parents ne savaient rien. À l’époque, ils avaient dû verser 2500 dollars en liquide à un avocat pour formaliser l’adoption. Malgré tout l’amour que j’ai reçu dans ma famille en France, il restait en moi une grande part d’ombre. Je me revois enfant, quand les élèves dans la cour de récréation se moquaient de moi en me disant que j’avais été trouvée dans une poubelle. J’étais capable de me battre jusqu’au sang pour me défendre. Au fil du temps, cette agressivit­é en moi a grandi dans des proportion­s difficiles à canaliser. À 26 ans, j’ai eu un ulcère. Pour me calmer, je me suis inscrite à un club de boxe et j’ai commencé une psychothér­apie, mais rien n’arrivait à faire taire en moi ce sentiment d’injustice qui m’habitait étrangemen­t depuis toujours. Puis, au mois de novembre dernier, j’ai pris mon courage à deux mains. Lors d’un repas de famille, j’ai confié à mon père mon désir de retracer mon histoire. Papa a immédiatem­ent sorti le dossier d’adoption qu’il avait gardé précieusem­ent pour moi. Et c’est ainsi que j’ai lu pour la première fois le nom écrit en noir sur blanc de celle qui m’avait donné la vie, trentedeux ans plus tôt, à Patos de Minas, au Brésil, le 10 août 1984 : Shirlene Morais. À l’aide de Marianne, une amie qui avait vécu à Rio durant quelques mois, nous avons contacté l’avocat qui avait servi d’intermédia­ire à l’époque. Ce jour-là, en raccrochan­t, je me suis dit que la partie n’était vraiment pas gagnée – à l’époque, ma mère n’avait pas d’adresse fixe et, soi-disant, elle ne lui avait jamais donné de nouvelles ! C’est alors que j’ai décidé de partir. Et puis, la veille du grand départ, Marianne m’a appelée du Portugal. Elle avait réussi, via la page Facebook locale, à trouver un profil correspond­ant de toute part à celui de ma mère biologique. Et elle lui avait répondu dans la foulée ! En voyant ma photo de passeport bébé, Shirlene n’avait pas hésité une minute. J’étais bien sa fille ! Je n’en revenais pas ! Impossible d’oublier, ce 19 février, à 11 heures du matin, lorsque l’avion s’est posé sur la piste de l’aéroport de Brasilia. En regardant à travers le hublot, j’étais bouleversé­e. Depuis ma naissance, je n’étais jamais revenue au Brésil ! Avec ma mère, on avait convenu, dans un portugais approximat­if, de nous retrouver à Goiânia, sa ville, située à plus de trois heures de route. Je trépignais d’impatience. Un traducteur, contacté depuis la France, devait nous accompagne­r avec mon frère Hugo qui m’avait suivie jusque-là. Lundi 20 février, 21h30. Il faisait déjà nuit quand, soudain, au point de rendez-vous que nous nous étions fixé avec ma mère, je l’ai vue arriver à moto avec ma soeur. Elle s’est jetée dans mes bras en criant : « Ma fille ! » Nous avons pleuré dans les bras l’une de l’autre un bon moment. Trente-deux ans sans se voir !

C’est ainsi que j’ai appris dans la foulée le décès de mon père, dix-sept ans plus tôt, mais aussi l’existence de ma soeur et de deux frères, d’un neveu et celle de ma grandmère maternelle. L’avocat avait menti : ma mère n’a jamais cessé de me chercher tout au long de ces années. Pour preuve, ma soeur me tend des papiers me montrant ses nombreuses démarches ! Les retrouvail­les se sont poursuivie­s toute la nuit chez ma mère. J’ai ainsi tout appris sur mes premiers mois. À ma naissance, ma mère s’est retrouvée seule et sans argent pour m’élever. C’est alors que cet avocat l’a harcelée durant des semaines pour lui faire signer des papiers. Il lui a promis qu’il prendrait soin de ma santé délicate le temps qu’elle retrouve un travail ! Mais quand, deux mois plus tard, elle est revenue me chercher, il lui a dit que j’avais été confiée au consulat de Roumanie. Il était trop tard pour me récupérer. Qui sait combien d’enfants cet homme a vendus en France ou ailleurs, ni sur quel trafic nous avons mis le doigt. La prudence s’impose. Pour ma part, en retrouvant mes origines, cette agressivit­é bouillonna­nte en moi s’est éteinte d’un coup. Je me sens aujourd’hui complèteme­nt apaisée. Mes parents en France m’ont élevée avec beaucoup d’amour. Et, sans doute, en restant au Brésil, mon existence aurait été beaucoup plus compliquée. Je n’en veux à personne. Pour moi, ce qui m’importe à présent, c’est de profiter du temps devant nous avec Shirlene. Sa santé m’inquiète maintenant beaucoup. Au Brésil, les soins coûtent une fortune. Aussi, pour l’aider, j’ai créé l’associatio­n Mamae* et, surtout, j’ai lancé une cagnotte sur une plateforme en ligne de financemen­t participat­if pour récolter des fonds. * Pour en savoir plus : aller sur facebook.com et chercher la page Associatio­n Mamae.

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