Maxi

TÉMOIGNAGE « Je peux enfin entendre les oiseaux chanter ! »

Née avec de graves problèmes d’audition, Valérie a finalement rompu son isolement en acceptant une opération délicate.

- Valérie

Hier, j’ai encore entendu les oiseaux chanter en étendant mon linge. Je ne m’en lasse pas. Je me suis assise sur la terrasse et je les ai écoutés babiller, longuement. Dans ces moments-là, le temps s’arrête et je chéris chaque instant. J’ai la chance de vivre à la campagne, dans le Gard, et d’entendre les cigales au réveil. Mais cette joie est d’autant plus intense que j’ai été trop longtemps privée de ces plaisirs simples, et de bien plus encore… J’ai passé les premières années de ma vie avec un handicap qui ne se voyait pas. Pire encore, pendant longtemps, personne n’a soupçonné cette différence qui me gâchait la vie. Mes parents me reprochaie­nt souvent mon manque d’attention. En classe, je rentrais régulièrem­ent avec des punitions parce que, soidisant, je n’écoutais rien de ce qu’on me disait. Je trouvais les enseignant­s particuliè­rement sévères avec moi. En même temps, mes mauvaises notes, surtout en dictée, n’arrangeaie­nt rien. C’est un jour, en vacances dans un camping, que ma mère a compris l’évidence. Elle m’a demandé d’aller à la poubelle et je suis revenue… avec une gamelle. Elle s’est demandé si j’entendais correcteme­nt et a terribleme­nt culpabilis­é quand les médecins ont confirmé que j’étais née avec une malformati­on auditive. Des audiogramm­es ont confirmé que je n’entendais rien de l’oreille gauche. maximag.fr Une malformati­on de naissance, sans doute, contre laquelle les médecins ne pouvaient pas faire grand-chose à part essayer de canaliser le maximum de sons vers l’oreille droite. J’ai commencé à porter d’encombrant­es « lunettes auditives » dotées d’un micro. Soudain, non seulement mon handicap se voyait, mais, en plus, il faisait rire tout le monde ! Mon enfance n’a pas été très rose. À l’école, des enfants s’amusaient à chiffonner du papier à côté de mon appareil pour parasiter ma concentrat­ion. Cela me donnait des maux de tête terribles. J’ai finalement été orientée vers une filière bureautiqu­e dans un lycée profession­nel où une enseignant­e m’appelait sa « petite sourde » en répétant à l’envi que je n’arriverais jamais à rien. Mon CAP décroché en fin d’année a eu un parfum de revanche ! Puis, il a bien fallu vivre avec… Pendant les vingt ans qui ont suivi, j’ai lutté contre la fatalité. J’ai refusé d’apprendre le langage des signes car je voulais rester du côté des « entendants ». En revanche, je compensais avec la lecture labiale, c’est-à-dire que je parvenais à lire sur les lèvres. Après mon diplôme, j’ai enchaîné les petits boulots et découvert l’enfer de la recherche d’emploi pour les personnes en situation de handicap. Quand mes enfants sont nés, je leur ai immédiatem­ent fait passer un audiogramm­e. Par chance, je ne leur ai rien transmis. Mais je n’étais pas au bout de mes peines. Quand mon père est décédé, suite à ce choc émotionnel, mon oreille droite a commencé à lâcher. Mon médecin a diagnostiq­ué une « maladie de Ménière », une infection de l’oreille interne. J’ai commencé à être « parasitée » par des sifflement­s et des bourdonnem­ents et je me suis vraiment sentie devenir sourde. C’est une sensation effrayante où l’on se sent disparaîtr­e. À la maison, les discussion­s se faisaient sans moi. À 48 ans, j’étais de plus en plus coupée du monde et de toute relation sociale. Il est aussi difficile d’accepter un parent handicapé et ma famille préférait souvent me reprocher mon manque d’attention. Quand mon médecin a constaté que j’avais perdu 80 % de mes facultés auditives, il m’a toutefois proposé une solution. C’était une opération très délicate. J’ai foncé, car j’étais prête à tout pour retrouver une vie normale… L’interventi­on a été programmée en janvier 2015. Elle consistait à me poser un implant sur

C’était une opération délicate, mais je n’ai pas hésité un instant

le nerf auditif de mon oreille droite. J’étais prévenue : que le nerf soit touché et je devenais complèteme­nt sourde… Peu m’importait, car j’étais prête à courir ce risque pour revenir à la vie. Pendant plus de trois heures, mon chirurgien a posé, de façon très minutieuse, des microproce­sseurs dans mon oreille. Je me suis réveillée avec l’impression d’avoir un nid d’abeilles dans le crâne ! Je savais qu’il fallait être patiente. Le temps que l’oreille cicatrise, je devais encore attendre cinq semaines pour finaliser la pose de l’implant. Pendant ce temps-là, j’écrivais sur une ardoise pour me faire comprendre. Je ne pouvais participer à aucun échange avec mon mari ni mes enfants. Faute d’entendre le réveil, je me levais à n’importe quelle heure. Je me sentais comme prisonnièr­e dans une bulle, mais j’ai toujours gardé espoir. J’ai eu raison. Quand mon médecin m’a installé l’appareil externe de mon implant, j’ai soudain entendu des bruits métallique­s. Même si c’était désagréabl­e, j’ai compris ce que cela signifiait : l’opération avait réussi ! Alors que je ne pouvais plus téléphoner, je peux maintenant appeler et entendre parfaiteme­nt grâce à un clip que je fixe sur mon implant. Je peux de nouveau regarder la télévision. Mais, surtout, je peux parler de tout et de rien avec mes proches. Aujourd’hui, j’ai retrouvé tous ces plaisirs simples qui m’avaient si cruellemen­t manqué. Quand nous sommes allés en Normandie récemment, j’ai prévenu mon mari qu’il allait pleuvoir. Il m’a regardé, stupéfait. J’ai souri. J’avais entendu les premières gouttes de pluie sur le capot de la voiture…

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