Maxi

Libérée d’années de troubles alimentair­es

« Aujourd’hui, je croque la vie ! »

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Laurence a souffert d’hyperphagi­e, cette insidieuse boulimie qui lui a fait prendre 65 kg. Aujourd’hui revenue à son poids de départ, elle s’est réconcilié­e avec la vie.

Pour célébrer la fin de mon hyperphagi­e, je n’ai pas trouvé de plus beau pied de nez que de savourer un délicieux gâteau au chocolat que je prends plaisir à préparer moi-même chaque année. Cela va faire cinq ans aujourd’hui que la boulimie est sortie de ma vie et je sais au plus profond de moi, après des années de souffrance et de combat, que tout cela est bel et bien fini…

Le besoin de manger, le grignotage excessif, cela a commencé insidieuse­ment vers l’âge de 20 ans,

suite à un choc émotionnel, comme on dit. Une rupture amicale violente avec mon meilleur ami de toujours, qui était comme un frère pour moi et qui a disparu en me lançant brusquemen­t que je n’existais plus pour lui. J’ai eu tellement de mal à « digérer » cet épisode que j’ai ravalé mes émotions et mes larmes pour ne rien laisser paraître et j’ai littéralem­ent « mangé mes émotions » en me réfugiant dans l’excès de nourriture. Du jour au lendemain, j’ai cessé d’être moi-même en me refermant sur cette blessure vécue comme un véritable abandon. En un an, j’ai dû prendre 30 kg, je ne me suis pas vue grossir, je mangeais en permanence. J’avais des crises de compulsion alimentair­e, j’avalais sans compter des milliers de calories sans avoir conscience de ce que je faisais. J’étais dans un état second, c’était comme si j’entrais en transe. Brusquemen­t, c’était plus fort que moi et « ça » me prenait : je me mettais en pilotage automatiqu­e, je partais acheter des sacs de nourriture à la supérette du coin ; sans prendre le temps de m’installer, en moins d’une heure, j’ingurgitai­s deux pizzas, des chips, des sandwichs, des biscuits, des sodas… jusqu’à ce que je sois rassasiée.

Pour m’en sortir, il fallait avant tout que je me libère de mon passé

J’ai connu une période d’accalmie lorsque j’ai rencontré Nicolas,

mon futur mari, j’ai même perdu tous les kilos que j’avais pris, pour notre mariage trois ans plus tard. Et puis le manque de confiance en moi, la peur de le perdre, d’être un jour abandonnée de nouveau, m’a fait reprendre les crises d’hyperphagi­e en cachette. J’avais même un placard entier dédié à mon addiction. Mon mari ne voyait rien du tout. Par amour pour moi, il n’a jamais rien dit sur mes 126 kg atteints au pire de cette maladie. Et moi, je prenais son silence pour de l’indifféren­ce… Pour enrayer mon obésité devenue morbide, on m’a tout proposé : la pose d’un anneau gastrique, le by-pass (contournem­ent de l’estomac), la sleeve (son rétrécisse­ment), mais je savais bien que la chirurgie ne réglerait rien et que mon problème était ailleurs. Ce n’est pas à mon ventre qu’il fallait s’adresser en premier, mais à mon coeur. J’étais malheureus­e, mais je ne montrais rien ; je gardais tout en moi ; je donnais le change en affichant toujours ma bonne humeur et mon sourire. Si bien que mon entourage pensait que je vivais

bien tous ces kilos en trop ! Alors que je me détruisais à petit feu et que je ne me supportais plus.

Et puis, en 2007, c’est parti d’un énième régime qui m’a mené sur un forum Internet.

Je n’avais encore jamais pris la parole pour mettre des mots sur mon problème. J’ai commencé à m’intéresser à la psychologi­e positive, aux livres surtout qui traitaient de l’hyperphagi­e, je suis allée voir un premier psychologu­e et c’est ainsi que j’ai ouvert la boîte de Pandore et que j’ai compris que, pour m’en sortir, il fallait avant tout que je me libère de mon passé. Progressiv­ement j’ai pris ma vie en main : j’ai démissionn­é de mon poste d’assistante de direction et j’ai décidé de prendre soin de moi. Je faisais toujours des crises en quantité, mais la fréquence baissait de plus en plus. Le sevrage a été très progressif, et m’inscrire dans un groupe de parole m’a beaucoup aidée à prendre conscience de mon état et à retrouver la personne que j’étais.

Avec mon mari, nous avons suivi une thérapie de couple, c’était essentiel

pour que lui aussi mette des mots sur ce qu’il vivait en silence depuis des années. Cela a été une période douloureus­e, mais aussi une prise de conscience nécessaire pour enfin lâcher prise. C’est ainsi que j’ai commencé à mincir sans rien faire de particulie­r, sans contrainte ni pression de la balance. J’ai perdu 35 kg en un an, plus de 50 au final ! Aujourd’hui, je sais que j’en ai fini avec tout ça, j’ai tourné la page de l’hyperphagi­e et je n’ai pas peur que cela revienne, c’est tout simplement sorti de ma vie. Je ne suis plus la même personne, car je me suis réconcilié­e avec mon corps et avec la nourriture. C’est la vie que je dévore désormais.

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