Maxi

«J’ai découvert que j’ai six frères et soeurs, un vrai bonheur !»

En partant à la recherche de ses origines, Caroline* a appris qu’elle était le fruit d’une grande histoire d’amour et que, désormais, elle n’était plus seule au monde.

- Caroline

Nous avons identifié et localisé votre mère. Est-ce que cela vous intéresse toujours de la rencontrer ? » Je me souviendra­i toujours de cet appel, un mercredi après-midi en octobre 2004. Deux ans plus tôt, j’avais contacté le Conseil national d’accès aux origines personnell­es. Je suis née sous X, le secret de ma vie s’y trouvait peutêtre. Jusque-là, je n’avais jamais su qui étaient mon père et ma mère d’origine, ma quête tous azimuts depuis mes 18 ans. Et j’en avais 35 !

Le 28 octobre 2004, j’étais donc bouleversé­e de rencontrer ma mère,

Simone, une femme d’une grande gentilless­e, brisée par les épreuves, qui avait fini par sombrer dans l’alcool. Elle m’a dit avoir aimé les pères de ses trois enfants : le premier, un notable, l’avait abandonnée quand elle avait 19 ans et elle avait accouché sous X. J’avais donc un grand frère ! Le dernier, épousé, lui avait donné Natacha, mais il était décédé : j’avais aussi une petite soeur ! Et mon père, Marcel, c’était « l’homme de sa vie » avec qui elle avait vécu une folle histoire d’amour pendant deux ans. Ma mère m’avait cherchée, en vain. Nos retrouvail­les étaient « le rayon de soleil de sa vie ». De la mienne aussi ! Marcel avait 41 ans, ma mère, 21, quand ils s’étaient rencontrés. Veuf depuis trois mois, père de quatre enfants, il s’était vu livrer une guerre sans merci par ses deux aînés qui avaient l’âge de ma mère : elle était la remplaçant­e, la rivale de leur mère décédée. Il avait essayé de rompre en partant vivre en Israël, mais mes futurs parents n’avaient pu s’empêcher de s’y retrouver. Revenue en France enceinte, résignée, Simone avait accouché de moi sous X, faute de moyens pour m’élever. Ma mère m’a dit : « Il doit se retourner dans sa tombe de nous voir toutes les deux. Quand il m’a appelée juste après ta naissance, il avait un cancer, il doit être mort maintenant… » Ma mère est décédée deux ans après notre rencontre. D’elle, il me reste un frère aîné, né sous X, que j’ai retrouvé, Dominique, et Natacha, ma petite soeur.

C’est Jérôme, mon mari, qui a retrouvé mon père en cherchant son nom sur Internet.

À New York ! J’ai douté que ce soit bien lui. Quand j’ai osé appeler, mon père était déjà un vieux monsieur de presque 80 ans qui avait beaucoup souffert dans la vie. Juif, il avait vu toute sa famille exterminée par les nazis, puis sa femme, mère de ses enfants, était décédée en pleine force de l’âge. Après sa séparation

Nos retrouvail­les ont été un vrai rayon de soleil partagé !

d’avec ma mère, il avait refait sa vie aux USA avec Rachel, rencontrée en Israël peu après, et avec qui il avait eu deux enfants, Eyal et Talie. De ses quatre enfants du premier mariage, les deux fils aînés étaient décédés, et les deux filles, Claire et Ronit vivaient encore en Israël. Il acceptait que je l’appelle deux fois par an, mais refusait toute rencontre. Sa femme ne savait rien et il ne voulait pas se retourner sur le passé. Il avait besoin de vivre en paix, ce que j’ai très bien compris.

Neuf ans ont passé, le désir de rencontrer mes frères et soeurs a été le plus fort et je leur ai écrit.

Quand Ronit, ma soeur israélienn­e, a lu le courrier, elle était folle de joie de me retrouver. Elle avait 13 ans quand notre père avait connu Simone, ma mère, elle s’en souvenait très bien. Elle rêvait, elle, d’un foyer recomposé et avait vu son père brisé par la douleur de cette rupture imposée par les deux aînés. Quand il avait téléphoné pour rompre avec ma mère en s’inventant un cancer, il avait dit à ses enfants réunis : « Voilà, j’ai fait ce que vous m’avez demandé ! » Les enfants de mon père étaient bouleversé­s par cette histoire d’amour. Tout de suite, ils ont voulu me rencontrer, comme Ronit qui est venue très vite en France. Tous… sauf mon père ! Ronit et moi sommes tout de suite devenues très proches, plus que de mon autre soeur, Claire. Je suis allée plusieurs fois en Israël et

Ronit m’a donné l’idée de mon nouveau métier, professeur de pilates, ce qu’elle est elle-même. On communique souvent par ordinateur­s, grâce à l’applicatio­n WhatsApp. Je parle même quelques mots d’hébreu. C’est elle qui s’est rebellée parce que Marcel refusait toujours de me voir ; un têtu comme il y en a peu ! En mars dernier, Ronit m’a dit : « Papa doit venir en Israël pour un mariage. Tu vas venir aussi. Il n’aura pas d’autre choix que de te rencontrer sur notre canapé ! » Elle était emballée, moi, très anxieuse… mais j’y suis allée quand même !

Mon père a tempêté, mais il a fini par plier sous la pression familiale,

dans l’autre sens cette fois : faire face à la vérité de la vie et des sentiments. C’était un homme fatigué, usé par l’existence, qui n’avait rien contre moi, bien au contraire. Simone, il l’avait aimée. Mais il n’avait plus la force à 89 ans de regarder en arrière. Peu importait que je ne le revoie plus jamais : mon père m’a serrée dans ses bras une fois dans sa vie et j’étais l’enfant de l’amour ! Je voulais juste savoir ça.

Moi qui n’avais pas de frère et soeur,

j’en ai donc retrouvé deux du côté de ma mère, quatre du côté de mon père, ce qui fait une grande famille. Et le plus fort, c’est que le père de mes quatre enfants, l’homme que j’ai épousé est… diacre de profession, l’équivalent de curé dans le civil ! Mon mari, catholique, se retrouve donc avec une demi-juive ! Mon rêve, aujourd’hui, c’est d’emmener mon mari à Jérusalem, au mur des Lamentatio­ns où j’avais déposé mes voeux quelques années plus tôt : savoir qui j’étais !

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Propos recueillis par Catherine Siguret TéMOIGNAGE

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