Maxi

QUESTION D’AUJOURD’HUI

En France, et partout dans le monde, des milliers d’hommes et de femmes décident de changer de sexe pour se sentir en phase avec eux-mêmes. Une décision qui nécessite toute notre compréhens­ion.

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Changer de sexe, pourquoi ce choix ?

Aujourd’hui, en France, il y aurait 15000 transsexue­ls*. Nés hommes ou femmes, ils se sentent piégés dans une enveloppe corporelle qui ne correspond pas à leur identité profonde. Très longtemps, le sujet est resté tabou et la plupart des intéressés ont souffert en silence. Certains se sont mariés et ont même fondé une famille. Jusqu’au jour où l’impression de vivre dans le mensonge leur a paru insupporta­ble. Nées dans un corps d’homme, Camille et Pascale nous racontent leur transforma­tion et la plénitude qui a suivi. * Selon l’associatio­n Inter-Trans.

˝ Je suis devenue la femme que j’ai toujours voulu être ! ˝ Camille,, 58 ans, en couple, sans enfant, Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine)

Avant 1999, je m’appelais encore Gilles pour l’état civil. Il m’a fallu bien des années pour comprendre qui j’étais vraiment. Dès l’école primaire, pourtant, je ressentais un malaise avec mes petits camarades. Je n’étais pas comme les autres garçons sans comprendre vraiment pourquoi. À 12 ans, j’ai entendu parler pour la première fois de transsexua­lité grâce à l’émission Les Dossiers de l’écran, sur Antenne 2. Je n’ai pas accepté ma différence tout de suite : je me suis marié à 30 ans et j’ai essayé d’avoir une vie conjugale… Mais je n’étais pas heureux et ma femme non plus. J’ai commencé à me poser des questions sur mon identité profonde et à me sentir prisonnièr­e d’un corps qui n’était pas le mien. J’ai compris mon erreur, j’ai divorcé et décidé de changer de sexe. Je me suis renseignée sur la marche à suivre et, en 1996, je me suis rendue à la consultati­on d’andrologie de l’hôpital Cochin, à Paris. Ma transforma­tion a duré plus d’un an, car je souhaitais un changement radical. Je ne voulais pas seulement prendre des hormones pour changer d’aspect extérieur, je voulais aussi un appareil génital féminin. Je me considérai­s comme une femme et je voulais vivre comme telle. J’en ai parlé à ma mère qui m’a juste dit : « Je ne m’inquiète pas pour toi, tu t’en sortiras toujours. » Au fond d’elle, je pense qu’elle savait depuis toujours qui j’étais et elle m’a toujours acceptée. Pendant un an, j’ai été suivie par un psychiatre qui devait valider ma démarche. Après avoir commencé à me transforme­r grâce à un traitement hormonal, j’ai pu me faire opérer en 1998. Je me suis réveillée avec les larmes aux yeux. Enfin, j’avais l’impression d’être dans le bon corps ! Et neuf mois plus tard, j’ai pu changer de

prénom. J’ai choisi de m’appeler Camille-Joséphine, les deuxièmes prénoms de mon ex-épouse et de ma mère car chacune m’avait aidée et soutenue à sa façon. Aujourd’hui, quand je raconte mon parcours au sein d’associatio­ns ou tout simplement à des gens que je rencontre chez des amis, il arrive que certaines personnes me plaignent. Je les arrête tout de suite : certes, cela n’a pas été facile à vivre, j’ai parfois entendu des réflexions désagréabl­es dans mon travail par des collègues qui étaient sans doute déroutés par mon changement progressif d’apparence, mais je n’ai rien vécu d’insurmonta­ble. Je ne suis pas malade, j’ai été entourée de personnes bienveilla­ntes, ce qui n’est pas le cas de beaucoup de transsexue­ls qui souffrent dans l’indifféren­ce. Aujourd’hui, je peux dire que j’ai la chance de pouvoir être qui je suis. Je vis en couple depuis quatre ans. Je suis la femme que je voulais être. Longtemps, sur ma carte d’identité, il a manqué un « e » à mon prénom. Mais j’ai quand même eu la chance que ma mère m’appelle Pascal, prénom qui, à l’oral, pouvait s’entendre comme féminin. Dès ma naissance, ma mère a bien fait les choses et elle a continué ! Quand j’ai eu 13 ans, elle a pris l’initiative de me parler pour me dire que j’étais sans doute différent, que ce n’était pas un problème pour elle, et que je devais faire attention au regard des autres. Effectivem­ent… Un jour, une voisine m’a reproché de « marcher et de parler comme une fille ». De nouveau, ma mère m’a rassuré en me disant qu’elle n’avait aucun souci avec « ça » et que je devais être moi-même. À l’adolescenc­e, j’avais un corps androgyne et je commençais à percevoir que je n’étais pas comme les autres garçons. Je me souviens d’un copain de ma soeur qui m’a dit, très gentiment, qu’il ne me voyait pas comme un homme. Peu à peu, j’ai compris qu’au fond de moi je me sentais davantage femme. Comme si j’étais née dans la mauvaise enveloppe corporelle. J’ai alors su que je devrais quitter mon village pour assumer complèteme­nt mon identité. Dès que j’ai eu quelques économies, je suis venue à Paris. À peine arrivée, j’ai été repérée par une agence de mannequins qui m’a proposé de faire des photos. J’ai rencontré des jeunes, différents comme moi et, à leur contact, j’ai compris que rien ne m’obligeait à vivre en étant mal dans ma peau. Je suis allée voir un médecin qui m’a expliqué qu’il existait des traitement­s qui me permettrai­ent de me réconcilie­r avec qui j’étais à l’intérieur. J’ai commencé à prendre des hormones et à me maquiller. À 18 ans, je suis devenue une femme. Ma mère n’a pas été choquée la première fois qu’elle m’a vue en fille. Son acceptatio­n totale a beaucoup facilité ma transforma­tion. J’ai eu la chance de ne pas vivre ma transsexua­lité dans la douleur. J’ai pris des cours de théâtre et travaillé sans souci comme comédienne. J’ai aussi vécu de belles histoires d’amour avec des hommes qui m’ont acceptée et aimée comme je suis, avec mon passé différent. Finalement, mes seuls tracas ont été administra­tifs. Jusqu’en 2016, les procédures pour changer de papiers étaient très compliquée­s. J’ai vécu quelques épisodes désagréabl­es, par exemple pour récupérer des courriers à La Poste, quand l’employé ne comprenait pas pourquoi j’avais un prénom masculin sur ma carte d’identité alors que j’étais une femme. Je ne suis devenue Pascale, aux yeux de l’administra­tion, que l’an dernier. Ce jour-là, la boucle a enfin été bouclée. Je suis devenue complèteme­nt moi-même.

˝ J’ai compris que rien ne m’obligeait à être mal dans ma peau ˝ Pascale, 58 ans, célibatair­e, sans enfant (Paris)

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