Maxi

TéMOIGNAGE « À ma façon, je lutte contre le gaspillage et je crée des emplois »

Passionnée par les confitures, Colette a lancé son entreprise sociale et a déjà embauché son premier salarié. Une vraie réussite !

- Colette

Mes autres motivation­s ? Favoriser le lien social grâce à la gourmandis­e

Quand j’étais petite, mes grandsmère­s alsacienne­s nous gardaient souvent, mes trois frères et soeurs et moi, et nous cuisinaien­t de délicieuse­s confitures de mirabelles ou de quetsches cueillies dans la campagne environnan­te. J’en ai gardé une vraie passion pour la confiture ! Venue à Paris pour suivre des études de commerce, j’ai rencontré des personnes engagées dans un mouvement citoyen appelé Disco Soupe, dont le but est de sensibilis­er au gaspillage alimentair­e en cuisinant des fruits et légumes invendus, récupérés sur les marchés. Avec eux, j’ai participé à plusieurs événements, toujours très festifs, en cuisinant ensemble des fruits et légumes partagés ensuite avec les passants. Lors de ces joyeuses séances, je me retrouvais tout à fait dans l’esprit écolo des confitures de mon enfance… Pendant mes études, entourée de mes amis de Disco Soupe, j’ai commencé à me passionner pour l’entreprena­riat social. Peu à peu se dessinait dans mon esprit le projet de créer une entreprise liant développem­ent durable, lien social, lutte contre le gaspillage de nourriture et contre la pauvreté… Mes études terminées, j’avais commencé à travailler dans une associatio­n d’accompagne­ment de personnes en recherche d’emploi lorsque j’ai entendu parler d’une jeune femme britanniqu­e qui avait créé sa société de fabricatio­n de chutneys grâce à des fruits invendus et qui embauchait des femmes en difficulté. Ça a fait tilt : c’était exactement ce que je voulais faire ! Avec des copines, nous avons commencé à fabriquer des confitures avec des invendus et à les vendre par l’intermédia­ire de La ruche qui dit oui, un réseau de distributi­on de produits locaux, ainsi que dans une épicerie parisienne encouragea­nt l’économie locale et solidaire, La Petite Cagette. Je me suis rendu compte que cela plaisait beaucoup et j’ai commencé à structurer le projet de création d’une entreprise d’insertion spécialisé­e dans la fabricatio­n de confitures. J’ai pris rendez-vous avec le directeur de Baluchon, une entreprise d’insertion de Romainvill­e, en Seine-Saint-Denis, qui a une activité de traiteur. J’y ai rencontré leur commercial­e, Adeline. Nous nous sommes tout de suite très bien entendues et avons décidé de nous lancer ensemble. Le nom de notre société, Re-Belle, correspond­ait à notre envie de faire de bons et beaux produits avec des invendus, démarche un peu rebelle… Et puis, cela traduisait notre volonté de montrer que des fruits pas très beaux pouvaient non seulement être consommés, mais aussi aboutir à un résultat délicieux. François, le directeur de Baluchon, nous a proposé de mettre à notre dispositio­n sa cuisine une semaine sur deux et de nous accompagne­r dans notre projet. J’ai quitté mon emploi et suis devenue salariée de Baluchon pour développer l’entreprise avec Adeline. Nous avons commencé à faire des tests de production en récupérant des invendus au marché, puis, rapidement, ceux de plusieurs Monoprix d’Île-de-France, qui avaient déjà un partenaria­t avec Disco Soupe. Les chefs de rayon mettent de côté pour nous les fruits et les légumes qu’ils ne peuvent plus vendre car un peu abîmés. Après avoir trié et épluché nos fruits et légumes, nous les préparons ensuite dans les cuisines de Baluchon. Nous concoctons nos recettes en attachant le plus grand soin à la qualité et produisons de petites quantités, avec des cuissons rapides, inférieure­s à trente minutes, afin de préserver au maximum le goût du fruit. Pour la touche d’originalit­é, nous associons fruits et légumes, comme melon avec orange, ou fruits et épices, ou encore pomme, raisin et anis étoilé. Nous avons plus de cent recettes. Les préférées ? Prune cannelle et pomme raisin gingembre, la fameuse mûre cannelle de ma grand-mère remportant aussi beaucoup de succès… Pour l’instant, nous avons embauché un confiturie­r et notre prochaine étape sera d’ouvrir notre propre labo pour pouvoir augmenter notre rythme de production et embaucher d’autres salariés en parcours d’insertion. Nous avons pu bénéficier de beaucoup de soutiens financiers et des conseils d’une marraine via la Fondation d’entreprise du cabinet d’audit Ernst et Young. Nous la rencontron­s tous les trois mois et bénéficion­s de ses précieux conseils pour anticiper l’avenir.

Enfin, nous avons remporté un prix de création d’entreprise initié par La Fabrique Aviva, qui nous a dotées d’un bon coup de pouce de 10000 euros. Deux ans après les débuts, nos produits sont vendus dans vingt-six épiceries fines et dans les Monoprix d’Îlede-France. Ce qui nous motive : la gourmandis­e, la création d’emploi et le lien avec les gens. Il y a une part de rêve dans notre entreprise. Lorsque nous animons des ateliers confitures dans les maisons de quartier pour sensibilis­er les enfants, leur première réaction : « Ils sont moches, ces fruits ! » Puis ils sont agréableme­nt surpris du résultat… Je n’oublie pas que, ce succès, je le dois également à mes grands-mères. Violette, l’une d’elles, m’a raconté avoir cuisiné, en soixante et un ans de mariage, des tonnes de confitures pour mon grand-père qui en raffolait ! Je pense qu’elle est heureuse et fière que je reprenne le flambeau…

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