3 questions à…
Qu’est-ce qui dans les situations de violence ou de maltraitance est le plus destructeur pour l’enfant ?
Il y a plusieurs éléments, mais celui que je mettrais en avant est le risque de se laisser enfermer dans le rôle de victime soumise. Un enfant soumis est passif, il donne raison aux parents maltraitants et intériorise une très mauvaise image de luimême. Il aura des difficultés à s’affirmer et risque, à l’âge adulte, de rester passif et soumis, de faire de mauvais choix professionnels ou affectifs. À l’inverse, s’il se révolte contre ses parents nocifs, s’autorise à les critiquer, à leur en vouloir, à les détester même, il échappe au destin de soumission auquel la maltraitance le condamne. C’est ce que j’appelle « la haine salvatrice ».
Quels conseils donneriezvous à des hommes ou des femmes en souffrance de leur enfance ?
J’ai envie de leur dire : ne vous sentez pas obligé d’aimer vos parents qui vous ont maltraité. Ne vous sentez pas coupable de ne pas les aimer, de vous mettre à distance d’eux. Même si vos parents ont eu une enfance malheureuse. Ce n’est pas parce qu’un parent a souffert que l’on doit accepter de souffrir. On peut comprendre, mais on n’a pas à l’accepter. C’est la responsabilité du parent de donner une vie heureuse à son enfant et de l’aider à s’épanouir. S’ils vous ont fait du mal, c’est leur échec, ce n’est pas le vôtre. Vous n’êtes pas en dette envers eux. J’ai aussi envie de dire : ne renoncez pas à ce que vous êtes, ni à vos rêves ni à vos projets. Ne soyez pas ce mendiant d’amour qui attend toute sa vie d’être aimé par un parent incapable de bien aimer.
Faut-il, selon vous, en passer par la thérapie pour se réparer en profondeur ?
Je réponds oui, sans hésiter. On peut faire soit une psychanalyse, si les dégâts et traumatismes infantiles sont lourds, soit une psychothérapie de plus courte durée. Pourquoi avoir recours à un professionnel ? Parce que l’enfant maltraité qui s’autorise à haïr et à critiquer son parent ressent honte et culpabilité. Honte, face à la morale ambiante (sociale et religieuse), à la norme qui nous répète qu’on doit aimer nos parents, et culpabilité, parce qu’on a l’impression de trahir le parent dont on s’éloigne. Ce travail de détachement salutaire, indispensable, n’est pas facile, il faut donc se faire aider par un professionnel qui comprend sans juger.
Il va aider l’adulte qui souffre encore de son enfance à faire resurgir des émotions et des événements parfois difficiles. Mettre des mots dessus permet de voir la vérité en face sans se laisser détruire par elle. La thérapie permet de quitter la dépression, le découragement, la haine pour aller vers l’apaisement, vers ses désirs et sa vie propre.