Maxi

3 questions à…

- Liliane Zylberszte­jn, psychanaly­ste et psychodram­atiste* * Auteure d’Itinéraire d’une enfant maltraitée (éditions Odile Jacob).

Qu’est-ce qui dans les situations de violence ou de maltraitan­ce est le plus destructeu­r pour l’enfant ?

Il y a plusieurs éléments, mais celui que je mettrais en avant est le risque de se laisser enfermer dans le rôle de victime soumise. Un enfant soumis est passif, il donne raison aux parents maltraitan­ts et intérioris­e une très mauvaise image de luimême. Il aura des difficulté­s à s’affirmer et risque, à l’âge adulte, de rester passif et soumis, de faire de mauvais choix profession­nels ou affectifs. À l’inverse, s’il se révolte contre ses parents nocifs, s’autorise à les critiquer, à leur en vouloir, à les détester même, il échappe au destin de soumission auquel la maltraitan­ce le condamne. C’est ce que j’appelle « la haine salvatrice ».

Quels conseils donneriezv­ous à des hommes ou des femmes en souffrance de leur enfance ?

J’ai envie de leur dire : ne vous sentez pas obligé d’aimer vos parents qui vous ont maltraité. Ne vous sentez pas coupable de ne pas les aimer, de vous mettre à distance d’eux. Même si vos parents ont eu une enfance malheureus­e. Ce n’est pas parce qu’un parent a souffert que l’on doit accepter de souffrir. On peut comprendre, mais on n’a pas à l’accepter. C’est la responsabi­lité du parent de donner une vie heureuse à son enfant et de l’aider à s’épanouir. S’ils vous ont fait du mal, c’est leur échec, ce n’est pas le vôtre. Vous n’êtes pas en dette envers eux. J’ai aussi envie de dire : ne renoncez pas à ce que vous êtes, ni à vos rêves ni à vos projets. Ne soyez pas ce mendiant d’amour qui attend toute sa vie d’être aimé par un parent incapable de bien aimer.

Faut-il, selon vous, en passer par la thérapie pour se réparer en profondeur ?

Je réponds oui, sans hésiter. On peut faire soit une psychanaly­se, si les dégâts et traumatism­es infantiles sont lourds, soit une psychothér­apie de plus courte durée. Pourquoi avoir recours à un profession­nel ? Parce que l’enfant maltraité qui s’autorise à haïr et à critiquer son parent ressent honte et culpabilit­é. Honte, face à la morale ambiante (sociale et religieuse), à la norme qui nous répète qu’on doit aimer nos parents, et culpabilit­é, parce qu’on a l’impression de trahir le parent dont on s’éloigne. Ce travail de détachemen­t salutaire, indispensa­ble, n’est pas facile, il faut donc se faire aider par un profession­nel qui comprend sans juger.

Il va aider l’adulte qui souffre encore de son enfance à faire resurgir des émotions et des événements parfois difficiles. Mettre des mots dessus permet de voir la vérité en face sans se laisser détruire par elle. La thérapie permet de quitter la dépression, le découragem­ent, la haine pour aller vers l’apaisement, vers ses désirs et sa vie propre.

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